
Malgré un cessez-le-feu officiellement en vigueur depuis le 28 juillet, la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge reste le théâtre d’une instabilité persistante, où diplomatie, affrontements militaires, désinformation et crise humanitaire s’entremêlent.
Le gouvernement thaïlandais, par la voix de son Premier ministre par intérim Phumtham Wechayachai, a durci le ton en ordonnant des poursuites civiles et pénales contre le Cambodge, tant sur le plan national qu’international. Les attaques armées cambodgiennes auraient causé des pertes humaines et matérielles considérables, touchant civils, militaires et services publics. Le Conseil de sécurité nationale, appuyé par plusieurs ministères, coordonne les démarches judiciaires, avec pour objectif de punir les responsables et d’obtenir réparation.
Un porte-parole de l’armée thaïlandaise, Maj. Gen. Wanchana Sawatdee, estime à environ 2 500 le nombre de soldats cambodgiens tués lors des affrontements frontaliers récents. Ce chiffre repose sur des rapports contradictoires de quatre sources, allant de 700 à 6 000 morts, et reste donc incertain. Ces soldats auraient été victimes de frappes aériennes thaïlandaises. Ces pertes extravagantes expliquent les appels pressants au cessez-le-feu de la part de Hun Sen au bout de deux jours de guerre, lui qui a tout fait pour que le conflit démarre.
Sur le terrain, les affrontements ont déplacé près de 190 000 personnes dans les provinces thaïlandaises de Buriram, Si Saket, Surin et Ubon Ratchathani. À l’est, dans les provinces de Sa Kaeo et Chanthaburi, l’économie locale est à l’arrêt : les travailleurs cambodgiens ont fui en masse, laissant les secteurs agricole et de la construction exsangues. Les pertes économiques se chiffrent en centaines de millions de bahts par jour, et les entrepreneurs locaux appellent à une indemnisation rapide.
Des inquiétudes persistent sur les mouvements de troupes cambodgiennes près de la frontière. Dans ce contexte tendu, la Thaïlande a présenté une proposition en huit points lors des discussions préliminaires du Comité général des frontières (GBC) à Kuala Lumpur. Si certains éléments ont été acceptés en principe, d’autres restent à négocier. Le sommet du GBC prévu le 7 août pourrait être décisif, mais les mouvements militaires cambodgiens observés près de la frontière jettent une ombre sur les pourparlers.
À cela s’ajoute une guerre de l’information. Depuis Phnom Penh, une série d’accusations non vérifiées — dont une prétendue tentative thaïlandaise d’assassinat de l’ex-Premier ministre Hun Sen — ont été relayées par les médias d’État cambodgiens. Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Maris Sangiampongsa, dénonce une campagne de propagande visant à discréditer son pays et à miner la paix régionale. La Thaïlande a mobilisé ses ambassades et des instances internationales, dont le CICR, pour contrer ces récits et garantir la transparence.
La Malaisie, hôte des négociations, se dit prête à déployer une équipe de surveillance à la frontière si les deux pays en font la demande. Mais à ce jour, rien n’est encore acquis. Entre méfiance mutuelle, enjeux territoriaux et pressions diplomatiques, le chemin vers une paix durable semble plus tortueux que jamais.