Le gouvernement intérimaire de la Thaïlande propose de « réengager pleinement » les dirigeants militaires du Myanmar et a invité les ministres des affaires étrangères de l’ASEAN à une réunion informelle dimanche, dans le but de relancer un plan de paix au point mort, selon une lettre vue par Reuters vendredi et des sources au courant de l’invitation.
La proposition a été formulée dans une lettre adressée le 14 juin aux homologues de l’ASEAN par le ministre thaïlandais des affaires étrangères, Don Pramudwinai, dont Reuters a eu connaissance et qui a été confirmée par trois sources au fait de la réunion prévue.
L’Indonésie, qui préside actuellement l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a refusé de participer à la réunion, selon trois sources diplomatiques. L’Indonésie cherche à faire avancer le processus de paix convenu il y a deux ans avec la junte et l’ASEAN, qui a interdit aux généraux d’assister à ses réunions de haut niveau.
Le Myanmar, membre de l’ASEAN, est une épine dans le pied du bloc depuis que l’armée du pays a organisé un coup d’État en 2021. La prise de contrôle a non seulement provoqué des troubles sociaux et politiques à l’intérieur du pays, mais a également constitué une menace pour la sécurité régionale.
À la suite du coup d’État, l’ASEAN a adopté un plan de paix en cinq points, comprenant un appel à une cessation immédiate de la violence au Myanmar, mais les généraux au pouvoir n’ont pas honoré le plan. En réponse, l’ASEAN a exclu le chef de la junte birmane et son ministre des Affaires étrangères de ses sommets depuis fin 2021.
Plus de deux ans plus tard, le groupement régional n’a toujours pas résolu la crise du Myanmar, malgré la diplomatie discrète pour trouver une solution par son président actuel, l’Indonésie.
Le régime a déjà tué plus de 3 600 personnes, pour la plupart des civils.
L’organisation par la Thaïlande de pourparlers informels lundi a fait craindre que les dirigeants du régime ne soient à nouveau invités aux réunions de l’ASEAN.
Igor Blazevic, conseiller principal au Centre de la société civile de Prague, a condamné la réunion informelle de Don Pramudwinai sur le Myanmar comme une décision précipitée et unilatérale qui pourrait sérieusement mettre en danger l’unité de l’ASEAN et le consensus international selon lequel le bloc régional est le principal forum pour traiter et résoudre , la crise au Myanmar.
« Une fois que le ministre des Affaires étrangères du régime sera réinvité à [une] réunion de substitution de l’ASEAN, [une] ligne rouge sera franchie et il n’y aura plus de centralité de l’ASEAN dans la gestion de la crise au Myanmar », a-t-il déclaré.
Le gouvernement thaïlandais actuel a été accusé d’être trop proche du régime de son pays voisin et de ne pas condamner ses atrocités.
Bangkok a déclaré qu’elle adhère à la soi-disant politique de non-ingérence de l’ASEAN, qui empêche les membres de l’association de s’ingérer dans la politique intérieure des autres États membres.
En décembre de l’année dernière, la Thaïlande a organisé une réunion informelle avec d’autres membres de l’ASEAN pour discuter du Myanmar. Le ministre des Affaires étrangères du Myanmar de l’époque, Wunna Maung Lwin, a été invité.
En mars de cette année, elle a également organisé une autre table ronde ont participé des membres de la junte du Myanmar et des représentants de pays comme le Cambodge, le Laos et le Vietnam, ainsi que des représentants de la Chine, de l’Inde, du Bangladesh et du Japon.
Une deuxième table ronde a été organisée par l’Inde en avril.
Dans la lettre d’invitation, Don Pramudwinai a déclaré que la réunion informelle pourrait faire partie des premières étapes vers un processus de paix au Myanmar, conformément à ce qui avait été suggéré lors du sommet de l’ASEAN en mai.
Ce peut être vu par le pays qui préside l’ASEAN, l’Indonésie, comme une énième manière de la Thaïlande de torpiller ses efforts.
En résumé, la communauté internationale, dont l’Indonésie, considère que le régime démocratique renversé par la junte a son mot à dire dans le futur du pays. Pour Bangkok, seule la junte est un interlocuteur valable.
Ce développement inquiétant doit également se lire à l’aune de la politique intérieure thaïlandaise. Le gouvernement de Don Pramudwinai ne travaille plus que par intérim puisque ses chefs ont largement perdu les élections du mois de mai. Le prochain gouvernement prendra une position plus compatible avec la ligne ASEAN – Indonésie. L’actuel gouvernement se dépêche donc d’avancer ses pions quitte à semer le trouble.
Enfin, dans l’éventualité d’un coup d’état à Bangkok il initie un nouvel axe entre putschistes, Birmanie – Thaïlande. D’ailleurs le chef du gouvernement actuel en Thaïlande est lui-même un putschiste puisqu’il a fomenté un coup d’état en 2014.
