
Les récentes tensions frontalières entre la Thaïlande et le Cambodge ont exposé un vaste réseau de casinos transfrontaliers dominé par des figures influentes, dont plusieurs Thaïlandais, enrichis grâce à des opérations à la lisière de la légalité. Le Centre d’études sur les problèmes de jeu révèle que, au delà des affrontements à Chong Bok, une architecture souterraine mêlant pouvoirs politiques, intérêts commerciaux et corruption opère à grande échelle.
Parmi les figures thaïlandaises clés, Watthana Asavahem, ancien député de Samut Prakan surnommé le « Parrain de Paknam », se distingue. Il est propriétaire de Grand Diamond City à Poipet, principal centre de jeu en face d’Aranyaprathet (province de Sa Kaeo), fréquenté à 80 % par des Thaïlandais. Il aurait tenté de revendre ce complexe pour 12 milliards de bahts en 2021, mais fait aujourd’hui face à des accusations de fraude foncière.
Des entrepreneurs thaïlandais seraient aussi impliqués dans les casinos Holiday Poipet et Star Vegas, via des coentreprises avec des partenaires indonésiens, taïwanais et chinois de Macao. D’autres noms thaïlandais émergent, comme Sia Somboon, ancien propriétaire de Star Vegas, ainsi que des investisseurs locaux de Sa Kaeo et des actionnaires liés à Cosmo Oil. Tous bénéficient de montages transfrontaliers sophistiqués pour contourner les législations nationales.
Ce système repose en partie sur des mécanismes d’actionnariat fantôme, où des politiciens cambodgiens offrent des concessions foncières en échange de parts dans les casinos. Les autorités cambodgiennes, comme Samphor, ex-dirigeant khmer rouge et gouverneur de Pailin, facilitent les investissements thaïlandais tout en prélevant des bénéfices via des frais de concession cumulés.
Ce modèle est alimenté par une corruption transnationale : des pots-de-vin sont versés aux deux côtés de la frontière pour faciliter les opérations. Ces établissements servent également au blanchiment de capitaux issus d’activités illégales, notamment pour des élites thaïlandaises, certaines devenant clientes VIP.
Alors que les restrictions frontalières liées aux conflits territoriaux entravent désormais les flux de joueurs et de fonds, notamment à Aranyaprathet-Poipet, les autorités thaïlandaises interdisent temporairement à leurs ressortissants de quitter le pays pour jouer. Cette décision affecte directement ces réseaux d’intérêts croisés.
L’enquête du « Centre d’études sur les problèmes de jeu » révèle ainsi un entrelacs de relations entre figures politiques, économiques et criminelles des deux pays, posant la question de la viabilité d’un empire du jeu transfrontalier désormais soumis à la lumière publique et à l’instabilité politique. Le rôle de la Thaïlande ne se limite pas au transit : ses ressortissants, investisseurs et anciens politiciens y sont pleinement engagés.