Vitai Ratanakorn,, gouverneur de la BoT
Alors que plusieurs pays ont lancé des actions décisives contre les réseaux d’escroquerie en Asie du Sud‑Est, la Thaïlande se retrouve dans le viseur. Les révélations sur les centres d’appels illégaux et la traite humaine en Birmanie et au Cambodge ont secoué la région, et les soupçons s’étendent désormais à Bangkok. La Thaïlande s’érige comme le pays propre de la région par opposition à ses voisins jugés plus corrompus. Mais force est de constater que les escrocs et les mafias prospèrent en Thaïlande, ne serait-ce que grâce aux infrastructures qui y fonctionnent parfaitement.
Des critiques sévères
De nombreux experts accusent les autorités thaïlandaises d’incompétence, voire de corruption, face à la montée des inquiétudes sur le rôle du pays dans l’écosystème financier régional. Tandis que les États‑Unis, le Royaume‑Uni, la Corée du Sud, Singapour et la Chine ont pris des mesures fortes, la Thaïlande est jugée en retard dans la lutte contre ces activités criminelles qui ont déjà coûté des milliards aux victimes dans le monde.
L’ambition numérique en question
L’ancien ministre des Finances Pichai Chuhanvijara avait présenté une feuille de route pour faire de la Thaïlande une place financière. En 2024, un protocole d’accord (MOU) signé avec un fonds basé à Singapour devait soutenir le développement des actifs numériques. Mais des journalistes d’investigation, Tom Wright et Bradley Hope, ont dénoncé un risque de blanchiment d’argent derrière ce dispositif, notamment via la structure juridique utilisée pour masquer les véritables propriétaires.
Le projet prévoyait la création d’un « Digital Economy Regulatory Sandbox » et d’un centre international de finance numérique. Les critiques estiment que ces outils auraient pu servir de passerelles aux escrocs pour recycler les profits issus de jeux en ligne illégaux ou de fraudes financières.
Réactions tardives
Sous la pression, le ministre du Numérique Chaichanok Chidchob a annoncé fin novembre l’annulation du MOU, après la découverte de signatures douteuses et de services non conformes à la loi, comme la collecte de scans des iris de 1,2 million de personnes. Le régulateur boursier (SEC), dirigé par Wisit Wisitsora‑at, est lui aussi critiqué pour son inertie.
Corruption et manque de transparence
Pour l’économiste Yuthana Sethapramote, « développer un hub financier est possible, mais l’application et la transparence sont essentielles ». Il compare défavorablement les régulateurs thaïlandais à l’Autorité monétaire de Singapour, qui a récemment saisi des actifs suspects et arrêté des escrocs liés aux réseaux cambodgiens.
Pression publique
Face au tollé, le gouverneur de la Banque de Thaïlande, Vitai Ratanakorn, a réaffirmé son engagement à lutter contre les transactions illicites. Mais les économistes soulignent l’écart entre les annonces et leur mise en œuvre. Selon Pipat Luengnaruemitchai, « les régulateurs doivent faire davantage ».
La montée de la conscience publique autour des arnaques et de la corruption pourrait devenir un catalyseur. Comme le résume Yuthana : « La pression des médias et de l’opinion pourrait enfin pousser les autorités à agir. »



