Quatre plaintes, exigeant que la Commission électorale (CE) propose à la Cour constitutionnelle de dissoudre le parti Move Forward, ont été rejetées au motif qu’elles manquent de crédibilité.
L’une des plaintes accuse le député Move Forward de Phitsanuloke, Padipat Suntiphada, d’avoir offensé la monarchie lors de un discours le 5 mars.
Les deuxième et troisième plaintes accusent le parti Move Forward d’avoir pour politique d’abroger la loi de lèse-majesté, ou article 112, citant une interview accordée par le chef du parti Pita Limjaroenrat et la déclaration d’Amarat Chokepamitkul, membre du parti, confirmant la position du parti sur la question.
La quatrième plainte accuse le parti d’avoir laissé les dirigeants progressistes, Thanathorn Juangroongruangkit et Pannika Wanich, dominer le parti, le privant ainsi d’indépendance.
Selon une source bien informée proche de la CE, son secrétaire général Sawaeng Boonmee, qui surveille les partis politiques, a rejeté les quatre plaintes car elles manquent de preuves crédibles suffisantes pour le convaincre que le parti Move Forward a commis des infractions.
Au total, 83 plaintes demandant la dissolution de divers partis ont été déposées auprès du greffier depuis 2020, dont 61 ont été abandonnées faute de preuves crédibles suffisantes.
Actuellement, seules 6 plaintes sont en attente d’examen.
On en déduit que le régime ne va pas attaquer de front les millions d’électeurs de MF en dissolvant le parti mais va se contenter d’empêcher Pita de devenir premier ministre offrant ainsi le poste à Pheu Thai, moins clivant pour les sénateurs et l’establishment.
Les sénateurs ont déjà annoncé que même si Pita n’allait pas en prison pour l’affaire iTV, ils ne voteraient pas pour lui car il est soupçonné d’avoir mal agi.
Tout ce que la Thaïlande compte de libéraux ne décolère pas. Ainsi Pravit Rojanaphruk, le plus grand journaliste de Thaïlande qui travaillait avec le regretté Arnaud Dubus, a publié un éditorial incendiaire hier.
Il parle d’une farce, une mascarade, une parodie de justice, ridicule, chaotique et absurde. Ce sont les réactions de certains Thaïlandais et étrangers en apprenant que la commission électorale allait tenter d’envoyer Pita en prison.
Pita encourt entre un et 10 ans de prison et 20 ans d’exclusion de la vie politique. Il aura 62 ans à son retour.
L’intention de l’article 151 est d’empêcher tout candidat d’utiliser SES médias lors des élections et lorsqu’il est en fonction. Ainsi l’équivalent thaïlandais de Bolloré ne pourrait pas se présenter aux élections. C’est normal. Mais l’affaire de Pita n’a strictement rien à voir.
Tout le monde sait qu’ITV a disparu, n’est plus média de masse depuis 16 ans et que les 42 000 actions de Pita, héritées de son défunt père, étaient insignifiantes. Pourtant, cela n’a pas empêché la Commission électorale de se saisir de l’affaire. Pourquoi?
Dans une société démocratique normale, ce n’est qu’une histoire de contre pouvoir. En Thaïlande, cela fait partie d’un plan élaboré visant à empêcher les électeurs de choisir leur propre gouvernement, selon Pravit.
Les sept membres de la CE ont été nommé par le général putschiste Prayut Chan-o-cha, encore au pouvoir neuf ans après le coup d’État, même si c’est par intérim. La CE fait donc partie du régime.
D’ailleurs, ni la CE ni le tribunal n’ont jamais douter que Prayut, en tant qu’ancien putschiste n’avait pas les qualités morales requises pour se présenter à nouveau au poste de Premier ministre, écrit Pravit. C’est comme si ces gens ne comprenaient que la lettre des lois pas l’esprit du système démocratique. Bien sûr, ils ne sont pas si bêtes, ils se servent donc juste des lois pour lutter contre la démocratie.
Le régime fera traîner l’affaire. Pita ira devant le tribunal pénal, et une fois inculpé, Pita devra quitter son poste de premier ministre (s’il est élu). Mais il ne sera sans doute pas élu car la plupart des 250 sénateurs nommés par la junte citeront la plainte de la CE comme justification pour ne pas voter pour lui.
Si les partisans de Pita descendent dans la rue, et toujours selon Pravit, certains généraux trépignent déjà d’impatience pour intervenir et ils saisiront le premier prétexte pour organiser un nouveau coup d’État militaire. Le chef de l’armée, le général Narongpan Jitkaewthae, a déclaré quelques jours avant les élections du 14 mai qu’il ne pouvait pas promettre que l’armée resterait dans les casernes en cas de troubles politiques.
La seule façon de vaincre une autre tentative de coup d’État est d’avoir suffisamment de personnes dans les rues prêtes à être emprisonnées – 100 000 au moins, affirment Pravit. A l’aune française, 100 000, c’est rien du tout. A moins de 2 millions, les manifestations ne feront pas bouger le régime. Et c’est le bât blesse, les Thaïlandais, largement pour MF et PT, braveront-ils les militaires ?
Pravit pense qu’un mois après les élections, la Thaïlande se trouve dans une impasse car le régime ne peut pas accepter la volonté du peuple. Et que les pantins nommés par l’armée oseront, toute honte bue, parler d’état de droit.
