
Le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul a choisi d’apaiser le discours autour des négociations commerciales avec les États‑Unis, après un échange remarqué avec le président Donald Trump. Lors de leur conversation, Anutin a évoqué la question sensible des mines antipersonnel le long de la frontière avec le Cambodge. Trump aurait assuré qu’il s’entretiendrait avec le Premier ministre cambodgien Hun Manet afin d’accélérer le déminage.
Anutin a précisé que le président américain s’était montré direct, sans formuler de demandes explicites. Washington s’inquiète de la lenteur du processus de déminage, mais la Thaïlande a rappelé que toute suspension d’accords avec Phnom Penh ne remettrait pas en cause les opérations humanitaires. Le pays poursuit en effet ses efforts de déminage, en cohérence avec la position américaine. Trump aurait même suggéré qu’une avancée rapide pourrait se traduire par une réduction des droits de douane, actuellement fixés à 19 %. « Qu’il plaisantât ou non, notre rôle est de faire avancer les choses », a commenté Anutin.
Interrogé sur l’espoir de voir les tarifs américains baisser, le Premier ministre a répondu que la question restait intégrée aux discussions en cours. « Notre responsabilité est de négocier des conditions commerciales qui minimisent les coûts pour notre population, tout en garantissant la sécurité nationale », a‑t‑il ajouté.
Les analystes politiques estiment que la menace tarifaire doit être prise au sérieux. Pour Pavin Chachavalpongpun, chercheur à l’université de Kyoto, l’administration Trump utilise l’accès économique comme levier pour imposer une conformité géopolitique. Selon lui, les pourparlers resteront bloqués tant que Bangkok n’aura pas donné un geste tangible répondant aux attentes de Washington en matière de sécurité.
D’autres observateurs voient dans la posture d’Anutin une stratégie intérieure. Greg Raymond, spécialiste de défense à l’Université nationale australienne, souligne que le Premier ministre joue la carte du nationalisme pour renforcer sa position avant un vote de défiance prévu en décembre. Son insistance sur la souveraineté nationale viserait à galvaniser l’opinion, alors que son gouvernement est fragilisé par des accusations de liens avec des réseaux de corruption liés à des centres d’arnaques au Cambodge.
Le ministre du Bureau du Premier ministre, Paradorn Prissanananthakul, a confirmé que le calendrier de dissolution de la Chambre, prévu pour fin janvier 2026, reste inchangé. Il a assuré que le gouvernement est prêt à affronter un éventuel débat de censure, même si l’opposition n’a pas encore décidé de le lancer. Lors d’une réunion de coalition, les partis ont été rassurés que l’accord signé avec le People’s Party fixe bien la date du 31 janvier. Paradorn a rappelé que le gouvernement est minoritaire, avec environ 140 voix, et qu’il ne peut gagner aucun vote majeur sans soutien de la Chambre.
Entre pressions américaines et calculs politiques internes, Anutin tente de maintenir l’équilibre. Mais la suspension des discussions tarifaires illustre combien la frontière thaïlando‑cambodgienne reste un terrain où se mêlent enjeux économiques, diplomatiques et électoraux.



