
Le Premier ministre Anutin Charnvirakul a évoqué la possibilité de relever l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 65 ans, dans un contexte de vieillissement accéléré de la population thaïlandaise. Cette proposition, encore à l’état de concept, suscite un vif débat entre les secteurs public et privé.
Alors que certaines institutions publiques expérimentent déjà des départs à 65, voire 70 ans, les entreprises privées s’inquiètent des coûts supplémentaires que cela engendrerait, notamment dans une économie ralentie. Beaucoup privilégient les départs anticipés ou l’automatisation pour réduire leurs charges. Des voix du secteur hôtelier et industriel alertent sur les risques de licenciements si la mesure devenait obligatoire, et sur les tensions intergénérationnelles qu’elle pourrait provoquer.
D’autres experts, comme Thitima Chucherd de la SCB, jugent la réforme pertinente face à la baisse du taux de natalité et à la contraction du marché du travail. En 2024, la Thaïlande est officiellement devenue une société vieillissante, avec une baisse de la population et une dépendance accrue aux personnes âgées. Le rapport de la SCB recommande d’investir dans la formation, l’adaptation technologique et la flexibilité des conditions de travail pour accompagner cette transition. À ce jour, aucun gouvernement thaïlandais ne s’est soucié de formation professionnelle.
Dans le même temps, la Thaïlande s’impose discrètement comme l’un des pays les plus marqués par la longévité, avec plus de 45 000 centenaires recensés en 2025 (42 000 en France), soit le cinquième rang mondial, selon le Département des administrations provinciales. Cette évolution reflète les progrès en matière de santé, de nutrition et de sensibilisation au vieillissement actif. Derrière ce succès, on voit poindre une crise sociale : les familles élargies, qui étaient autrefois le pilier du soutien aux personnes âgées, se fragmentent. Cette situation laisse présager un avenir où de nombreux centenaires vivront isolés et sans sécurité financière.
Selon la chercheuse Nattapat Sarobol (Université Thammasat), les centenaires actuels doivent leur bien-être à la présence de proches et à un sentiment d’utilité sociale. Or, avec la baisse du taux de natalité et la réduction de la taille des foyers, ce modèle familial s’effondre. Les personnes âgées risquent de dépendre davantage de services publics déjà sous pression.
Le chercheur Nonarit Bisonyabut (TDRI) souligne que le vieillissement démographique, couplé à une chute des naissances, crée un « fossé de charge » : de moins en moins d’actifs doivent soutenir de plus en plus de retraités. Il appelle à des politiques permettant aux seniors de rester actifs, avec des emplois adaptés à leurs capacités.
Face à une espérance de vie qui dépasse désormais les 80 ans, les experts plaident pour une redéfinition du vieillissement : il ne s’agit plus seulement de vivre plus longtemps, mais de vivre mieux, en restant autonome, valorisé et intégré dans la société.
L’Asie du Sud-Est connaît une transition démographique majeure : d’ici 2050, un habitant sur cinq aura plus de 60 ans. Ce vieillissement rapide, reflet des progrès en santé publique, pose d’importants défis sociaux et économiques. Pour y répondre, l’OMS propose une stratégie régionale axée sur le vieillissement actif, l’accès équitable aux soins et le soutien aux aidants. Les maladies non transmissibles, la solitude et la précarité touchent particulièrement les femmes âgées. Investir dans le vieillissement en bonne santé est essentiel.