
Porsche Design Tower
Alors que 1,64 million de logements restent vides à travers la Thaïlande — soit une perte économique estimée à 3,45 trillions de bahts, presque équivalente au budget annuel du pays — Bangkok continue de voir fleurir des projets immobiliers ultra-luxueux, portés par une demande soutenue de la part des élites locales et des investisseurs étrangers.
Cette dichotomie est saisissante. D’un côté, des centaines de milliers de logements, souvent modestes, restent inoccupés, notamment dans le segment des condominiums à bas prix. À Bangkok, 58 % des logements vacants sont des condos, avec un taux de vacance de 24,8 %. Les unités à moins de 500 000 bahts sont particulièrement touchées, faute de moyens pour assurer leur entretien. Ce phénomène, alimenté par la spéculation immobilière, menace la stabilité du marché et fragilise les institutions financières.
De l’autre côté, le marché des résidences de prestige explose. Des projets comme le Porsche Design Tower, où les penthouses dépassent les 1,4 milliard de bahts, attirent des acheteurs en quête de statut et de placement sécurisé. Ces unités, souvent situées dans les quartiers les plus prisés — Sukhumvit, Sathorn, Chidlom — sont conçues pour des familles aisées ou des investisseurs internationaux. Le secteur affiche une résilience remarquable, avec plus de 1 000 nouvelles unités attendues en 2025–2026.
Cette polarisation du marché immobilier révèle une fracture sociale et économique profonde. Tandis que des millions de Thaïlandais peinent à accéder à un logement modeste, voire à peine salubre, des fortunes s’investissent dans des résidences de prestige, parfois vides, elles aussi, mais conservées comme actifs spéculatifs.
Face à cette impasse, les experts appellent à des réformes fiscales, notamment une taxe ciblant les logements inoccupés. L’objectif : inciter à la mise en location ou à la vente, dynamiser le marché intermédiaire et réduire le gaspillage d’actifs immobiliers.
Sans intervention politique, cette dualité risque de s’aggraver, creusant davantage l’écart entre une offre excédentaire de logements délaissés et une bulle immobilière haut de gamme qui ne profite qu’à une minorité. Le défi est de taille : réconcilier les besoins du plus grand nombre avec les logiques d’investissement des plus fortunés.



