
Alors que le Premier ministre Anutin Charnvirakul promet une lutte « sans indulgence » contre les réseaux d’arnaques transnationales, l’affaire Ben Smith — alias Benjamin Mauerberger — rattrape désormais le gouvernement. Les images révélant le chef du gouvernement attablé avec l’homme d’affaires sud-africain, aujourd’hui suspect clé dans un vaste réseau de blanchiment lié au Cambodge, mettent à mal le discours officiel et soulèvent de nombreuses questions sur d’éventuels liens politiques.
Un réseau tentaculaire mis à nu
Mercredi, Anutin annonçait la saisie de plus de 10 milliards de bahts d’actifs dans le cadre d’une opération visant des réseaux d’arnaques opérant depuis le Cambodge. Une opération confirmée par la Central Investigation Bureau, qui relie ces flux financiers à 700 victimes depuis 2021.
Au cœur du dispositif : des comptes bancaires liés au Cambodgien Yim Leak, puis, plus loin dans la chaîne, à Benjamin Mauerberger, présenté comme le principal bénéficiaire de plus de 9,2 milliards de bahts saisis dans cette affaire.
Selon l’Anti-Money Laundering Office, Mauerberger aurait utilisé des sociétés-écrans pour investir dans des entreprises thaïlandaises cotées, dont Bangchak Plc et Finansia X Plc. Une transaction liée à ce dernier groupe a même conduit à la démission du vice-ministre des Finances Vorapak Tanyawong en octobre.
Les photos qui embarrassent le pouvoir
La situation a basculé lorsque des photos ont émergé montrant Anutin Charnvirakul partageant un dîner et trinquant avec Ben Smith. Sur d’autres clichés, on aperçoit le ministre des Finances Ekniti Nitithanprapas en pleine conversation avec lui.
Ces images, confirmées par plusieurs médias thaïlandais, ont poussé le Parti démocrate à exiger des explications immédiates sur la nature de ces relations.
Ekniti a tenté de désamorcer la polémique en affirmant que la photo datait de « 4 à 5 ans » et avait été prise lors d’un événement officiel. Mais la justification n’a pas suffi : il a même déclaré réfléchir à son avenir politique, tant la pression est forte.
L’opposition s’interroge : pourquoi aucune arrestation ?
Le Parti du Peuple, soutien extérieur indispensable à la coalition d’Anutin, a publiquement mis en cause l’inaction du gouvernement. Le député Rangsiman Rome a dénoncé l’absence d’un mandat d’arrêt contre Ben Smith, pourtant identifié comme un acteur majeur du blanchiment lié aux call centers cambodgiens.
Il s’interroge :
- Les saisies d’actifs ne servent-elles qu’à calmer l’opinion ?
- Pourquoi les responsables politiques liés à Smith restent-ils en poste ?
- Le gouvernement protège-t-il un réseau de “grey capital” ou « mafieux » infiltré dans l’économie thaïlandaise ?
Un scandale qui pourrait ébranler la coalition
L’affaire Ben Smith, déjà décrite comme un « empire de l’ombre » par des journalistes d’investigation internationaux, menace désormais la crédibilité du gouvernement.
Entre promesses de fermeté et images compromettantes, la question demeure : la Thaïlande peut-elle réellement démanteler les réseaux criminels si ceux-ci croisent la route de ses élites politiques ?



