Alors que les combats faisaient rage à la frontière thaïlando-cambodgienne, un autre front s’est ouvert : celui de la guerre de l’information. Pour de nombreux Thaïlandais, c’est la première fois que la guerre se fait sentir dans le quotidien — avions de chasse dans le ciel, bilans humains, peur diffuse. Mais derrière les affrontements physiques, un conflit plus insidieux se joue : celui des récits, des fausses images et des émotions manipulées.
Un exemple frappant : un post Facebook d’un responsable cambodgien accusant l’armée de l’air thaïlandaise d’utiliser des armes chimiques, illustré par une photo d’un avion américain larguant un retardant rose sur des incendies en Californie. Une provocation calculée, selon les experts, visant à attiser la colère publique et à intensifier les tensions sans tirer un seul coup de feu.
Les fake news sont trop nombreuses pour être narrées toutes, mais on pourrait, après la guerre la plus bête du monde, les compiler dans un ouvrage aussi édifiant qu’effrayant. La plus récente remonte à dimanche 3 au soir lorsque Hun Sen a annoncé une nouvelle attaque thaïlandaise contre le Cambodge pendant la nuit. Ce lundi matin, force est de constater qu’il n’en fut rien.
Ce type de désinformation stratégique soulève une question juridique majeure : la guerre de l’information est-elle couverte par le droit international humanitaire (DIH) ? Pas vraiment. Conçu après la Seconde Guerre mondiale, le DIH — notamment les Conventions de Genève — régule les conflits armés traditionnels, mais reste muet sur les cyberattaques, les manipulations psychologiques ou les campagnes numériques.
L’ICRC (Croix Rouge) reconnaît cette lacune et appelle à une adaptation du droit face aux nouvelles formes de violence. Car si les bombes tuent, les mots aussi. L’histoire récente — du Rwanda à la Birmanie — montre que la propagande peut précéder les massacres.
Dans le conflit actuel, les Thaïlandais sont bombardés de fausses informations, de vidéos truquées et de messages haineux. Plus de 500 millions d’attaques numériques ont été recensées en quelques jours, selon le gouvernement. Des attaques DDoS ont paralysé des sites officiels, du Bangkok Post, par exemple,, tandis que des bots inondaient les réseaux sociaux de commentaires incendiaires.
Face à cette menace, plusieurs pistes s’ouvrent. Le droit international des droits humains, notamment le Pacte sur les droits civils et politiques, interdit la propagande de guerre et l’incitation à la haine. Le Statut de Rome permet aussi de poursuivre les instigateurs de violences contre les civils. Mais en pratique, établir un lien direct entre un post viral et une attaque physique reste complexe.
La Thaïlande doit donc agir sur plusieurs fronts : réagir vite aux fausses informations, collaborer avec les plateformes numériques, mobiliser la diplomatie régionale via l’Asean, et investir dans l’éducation aux médias.
Alors que certains médias cambodgiens n’hésitent pas à inventer ou relayer des informations manifestement fausses et provocatrices, la riposte thaïlandaise s’appuie sur un discours ultranationaliste qui, loin d’apaiser les tensions, semble alimenter une escalade vers un affrontement prolongé.
