
La dissolution du parti Move Forward, qui détenait le plus grand nombre de sièges après les élections générales de 2023, et la destitution de l’ancien Premier ministre Srettha Thavisin, qui appartenait au parti ayant obtenu le deuxième plus grand nombre de sièges, par des juges nommés par des putschistes suscite des inquiétudes quant à l’indépendance de la justice. Cette situation pourrait être perçue comme un coup d’État judiciaire.
La nomination comme ministre de Pichit Chuenban un avocat véreux travaillant pour Thaksin était une erreur, tout le monde le reconnaît, sauf peut-être Thaksin lui-même. Cependant, revenons sur cette affaire. Formellement, Pichit n’a été reconnu coupable que d’outrage au tribunal. Il affirme qu’il ne savait pas qu’il y avait 2 millions de bahts dans le « sac de bonbons » trouvé sur lui au tribunal en 2008 alors qu’il défendait Thaksin Shinawatra dans une affaire de transaction foncière. Cependant, la probité de Pichit est largement entachée et le nommer ministre porte atteinte aux principes de bonne gouvernance, même s’il a payé sa dette à la société. Est-ce que cela justifiait la destitution du premier ministre et pas seulement celle du ministre concerné (qui de toute façon a démissionné après 3 jours) ?
On ne peut s’empêcher de rappeler que Srettha a embauché Wissanu Kruea-ngam, l’aigle juridique de la junte Prayut. Son embauche a contrarié de nombreux membres du Pheu Thai en raison de son rôle antérieur. Tout le monde a vu cette embauche comme un gage donné par Srettha au régime. Cependant, le pare-feu Wissanu n’a pas suffi.
Mais puisqu’on évoque les ministres délinquants, la présence de Thamanat Prompao au poste de ministre de l’Agriculture – malgré sa condamnation en 1994 pour trafic d’héroïne en Australie – ne gène pas la Cour Constitutionnelle. Parce que Prompao est membre du parti qui a soutenu Prayut lorsqu’il était au pouvoir ? On aura la bonté de ne pas rappeler qu’un ministre Bumjaithai assume son passé mafieux.
Un Bumjaithai qui n’a peut-être pas dit son dernier mot. Tant que le candidat du Pheu Thai, Chaikasem, n’aura pas été officiellement élu ce vendredi 16, tout reste possible.
N’oublions pas non plus, l’affaire de lèse-majesté contre Thaksin Shinawatra qui sera jugée ce mois-ci. Là aussi, on s’attend à une relaxe. Là aussi on pourrait être surpris par un énième séisme.
Tous ces évènements indiquent une tendance inquiétante pour la démocratie car la volonté du peuple en est très éloignée. Rappelons-le, les Thaïlandais semblent attachés au parti progressiste, appelé aujourd’hui Parti du Peuple (PP).
Le Parti du Peuple a fait une déclaration par l’intermédiaire du député Parit Wacharasindhu au Parlement concernant la décision de la Cour constitutionnelle de destituer le Premier ministre Srettha Thavisin. Il a exprimé son inquiétude et son désaccord. « Même si le Parti du Peuple affirme que ceux qui occupent des postes politiques doivent faire preuve d’éthique et d’intégrité, l’éthique devrait être une question de responsabilité politique décidée par le peuple», a-t-il déclaré.
Le PP est surtout en désaccord avec la Constitution de 2017 qui donne à la Cour constitutionnelle -dont les membres ont été nommés par des putschistes, ce qui les discréditent de fait- le monopole d’interpréter les normes éthiques à discrétion. Partant, la CC est un outil pour destituer des élus.
Parit a ajouté que le Parti populaire estime que tout ceci prouve l’urgence de rédiger une nouvelle constitution et de revoir l’étendue des pouvoirs de la CC et des organisations indépendantes. Il s’est demandé comment mettre en place un processus de nomination des juges de la Cour constitutionnelle et des responsables des organisations indépendantes qui soit plus connecté au peuple. Cela nécessite d’autres amendements constitutionnels.
Piyabutr Saengkanokkul, secrétaire général du Mouvement progressiste, a publié : À l’heure actuelle, la Thaïlande n’a ni Premier ministre ni chef de l’opposition. Dans une situation normale, ce serait le moment de dissoudre le Parlement pour de nouvelles élections. Ce qui se passe actuellement n’est ni plus ni moins qu’un coup d’État ». Il ajoute : « Nous ne devons pas oublier que le nom du général Prayuth Chan-o-cha (putschiste revendiqué) figure toujours sur la liste des candidats légaux au poste de Premier ministre »