Depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul a adopté une ligne dure face au Cambodge. La suspension de l’accord de paix signé fin octobre, après l’explosion d’une mine ayant blessé deux soldats thaïlandais, illustre cette stratégie. Pour l’armée et les nationalistes, cette posture est une aubaine : elle nourrit le sentiment patriotique et renforce l’image d’un gouvernement ferme, de bonne augure à l’approche des élections. Mais pour l’économie et la stabilité du pays, les conséquences sont bien plus lourdes.
Les États-Unis, qui avaient soutenu la trêve négociée par Donald Trump, ont immédiatement mis la pression sur Bangkok. Washington menace de geler les négociations commerciales si la paix n’est pas rétablie. Or, le marché américain reste le premier débouché des exportations thaïlandaises. Comme le souligne l’analyste Thitinan Pongsudhirak, l’accord de paix servait de levier diplomatique et de garantie pour avancer dans les discussions commerciales. Sa suspension fragilise directement la position de la Thaïlande.
Sur le plan intérieur, Anutin joue la carte du nationalisme. L’explosion du 10 novembre a ravivé les émotions patriotiques, et le gouvernement a surfé sur cette vague en retardant la libération de prisonniers cambodgiens. Certains y voient une stratégie électorale pour renforcer le parti Bhumjaithai, même si l’histoire montre que les scrutins ne se gagnent pas uniquement sur le terrain du patriotisme. L’armée, elle, profite de cette dynamique pour imposer son influence : campagnes symboliques, fermeture de temples frontaliers, communication directe avec les médias. L’annonce de la suspension de l’accord est d’ailleurs venue de l’armée de l’air, soulevant la question de savoir qui dirige réellement la politique étrangère du pays.
Mais derrière cette démonstration de force, les coûts économiques s’accumulent. Le commerce frontalier est paralysé, les travailleurs cambodgiens repartent chez eux, et des villageois thaïlandais sont empêchés d’accéder à leurs plantations. La Banque de Thaïlande note que l’excédent commercial avec le Cambodge est passé de 2,6 milliards de dollars au deuxième trimestre à 1,2 milliard au troisième, preuve de l’impact direct du conflit. Les analystes comme Kasem Prunratanamala, de CGS, préviennent : prolonger la crise risque de plomber la croissance et d’accroître l’incertitude politique.
En résumé, la guerre et la rhétorique nationaliste offrent un terrain favorable à Anutin, à son parti et à l’armée. Mais pour la Thaïlande, dépendante de ses exportations et de la stabilité régionale, cette stratégie pourrait coûter cher. La paix suspendue fragilise l’économie, les relations internationales et la confiance des citoyens.
