
L'armée wa en Thaïlande
La Thaïlande a informé la junte birmane que l’ASEAN souhaite des élections inclusives impliquant toutes les parties prenantes. Les observateurs considèrent que la junte organisera bien des élections, mais en dépit du bon sens, seulement avec des candidats qui lui conviennent et à une date fort tardive. En attendant, la junte joue avec la communauté internationale et ridiculise l’ASEAN.
Depuis le coup d’État militaire en 2021, le Myanmar est en proie à des troubles et une rébellion armée. La Thaïlande a récemment accueilli deux réunions régionales sur la crise au Myanmar, impliquant la junte et ses voisins, ainsi que les membres de l’ASEAN.
À Bangkok, le 19 décembre, le ministre des Affaires étrangères du Myanmar a présenté la feuille de route politique de la junte et les progrès vers les élections, critiquées pour l’exclusion des groupes d’opposition. L’ASEAN soutient le plan de paix du « Consensus en cinq points » pour désamorcer le conflit. Ce processus initié depuis des années n’a jamais été pris en compte par la junte.
Les membres de l’ASEAN discutent des élections proposées, en attendant les détails du Myanmar. La Chine a également exprimé son soutien au processus de paix et de réconciliation au Myanmar, appelant à résoudre les différends par le dialogue et la consultation.
Inviter la junte à Bangkok est une façon pour la Thaïlande de la légitimer, même si, évidemment, le dialogue doit toujours prévaloir.
Sur le terrain, côté thaïlandais, les rebelles de l’armée unie de l’État de Wa (UWSA) n’ont montré aucun signe de retrait des hauts plateaux de Mae Hong Son, en Thaïlande, malgré un avertissement de l’armée thaïlandaise. Environ 2 000 rebelles occupent huit à neuf points le long de la frontière Thaïlande-Myanmar, certains étant situés sur le territoire thaïlandais.
Le général Kittipong Jamsuwan, commandant de la troisième armée thaïlandaise, a déclaré que les pourparlers avec les rebelles se poursuivront sans date limite précise pour leur retrait. Les rebelles Wa ont également mobilisé des villageois et occupé l’étang naturel de Nong Luang en territoire thaïlandais.
Les rebelles Wa sont connus pour la fabrication de grandes quantités de drogues, de l’opium à la méthamphétamine, qui sont ensuite acheminées en Thaïlande et vers d’autres marchés mondiaux.
Sur le terrain toujours, côté birman, la junte militaire, sous pression, réorganise ses rangs alors que les insurgés pro-démocratie ou simplement ethniques continuent de gagner du terrain. Un nouveau ministre de la Défense a été nommé, et des soldats-espions, appelés « Pastèques », aident les rebelles en fournissant des informations cruciales sur les positions et mouvements de l’armée. La junte ne contrôle plus qu’un cinquième du territoire birman, et la colère grandit dans le pays en raison de la répression et de la crise économique.
Enfin, un important groupe rebelle ethnique, l’armée d’Arakan (AA), a pris le contrôle du quartier général régional de l’armée birmane dans l’État de Rakhine. Cette conquête représente une prise d’armes et d’équipements militaires, ainsi qu’un avantage stratégique et économique, notamment en contrôlant une station de pompage pour l’oléoduc et le gazoduc chinois. La base d’Ann, point de passage entre Rakhine et les régions centrales de Birmanie, permet à l’AA de contrôler la logistique terrestre de Rakhine. La perte de cette base complique le ravitaillement de l’armée birmane dans l’ouest du pays et menace les usines d’armement de la junte. Les rebelles ont saisi de vastes territoires dans cet État, l’un des plus pauvres de Birmanie, où l’ONU craint une catastrophe humanitaire pour plus de deux millions d’habitants menacés de famine.
Dans ces conditions, considérer la junte, par définition illégitime, comme un interlocuteur légitime interroge.