
Gun est ses camions de...
La frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, déjà marquée par des différends historiques, connaît une nouvelle série de tensions. Les Forces armées royales thaïlandaises (RTARF) ont confirmé le lancement d’un projet de clôture permanente de 10 kilomètres entre les bornes 50 et 51, près du poste de Poipet, dans la province de Sa Kaeo. À cet endroit, selon la Thaïlande, les deux pays sont d’accord sur le tracé de la frontière.
Le général Manas Chandee, chef d’état-major de la RTARF, a inspecté le tracé dans les zones où la démarcation reste floue. Là, une clôture temporaire serait installée, accompagnée de barbelés, de caméras de surveillance et d’une route de patrouille. Le projet, soutenu par le Conseil national de sécurité, devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Des consultations avec les communautés locales sont prévues, et un financement participatif pourrait être envisagé.
Objectif : renforcer la sécurité, limiter les traversées illégales et répondre aux préoccupations croissantes liées aux réseaux criminels. Mais aussi, bien évidemment « marquer son territoire » dans les zones contestées.
Mais jeudi, l’ambiance s’est tendue davantage à Ban Nong Chan, village frontalier situé à 500 mètres du Cambodge. Un convoi de 14 camions de vidange, mené par l’activiste ultra-nationaliste Guntouch Pongpaiboonwet (alias Gun Jompalang), a tenté de s’approcher de la frontière. L’objectif affiché : répondre aux provocations de ressortissants cambodgiens ayant récemment démonté des barbelés et insulté des soldats thaïlandais. L’activiste avait proposé de “pulvériser” les Cambodgiens avec les eaux usées des camions, une idée illustrée par une image générée par intelligence artificielle. Ces camions sont ceux qui vidangent les fosses septiques, donc ces « eaux usées » sont constituées d’urine et d’excréments humains.
Les autorités ont stoppé le convoi avant qu’il n’atteigne la frontière, afin d’éviter toute escalade. En parallèle, près de 1 000 Thaïlandais se sont rassemblés pour soutenir les troupes, chantant l’hymne national et rendant hommage à 15 soldats morts pour la souveraineté nationale. Aucune provocation n’a été signalée côté cambodgien ce jour-là.
Cependant, force est de constater que les mines qui ont gravement blessé six soldats thaïlandais ces dernières semaines pourraient avoir été plantées récemment par des militaires cambodgiens.
Dans un autre registre, une affaire d’expulsion suscite l’émotion : un garçon cambodgien de 13 ans, élevé en Thaïlande depuis sa petite enfance, risque d’être renvoyé avec sa mère pour séjour illégal. L’enseignant Sopon Jongboriboon a dénoncé l’arrestation du jeune élève, brillant et bien intégré, sur les réseaux sociaux. Le garçon ne parle pas khmer et n’a jamais quitté la Thaïlande. L’arrestation s’est déroulée devant tous les autres élèves, au moment du lever aux couleurs, comme si la police thaïlandaise voulait imiter les odieuses méthodes de la police de l’immigration de Trump aux États-Unis.
Face aux critiques, le Département de l’Enfance et de la Jeunesse a demandé la suspension de l’expulsion. La mère s’est engagée à régulariser sa situation depuis le Cambodge. En attendant, tous deux sont hébergés à Sa Kaeo, dans l’espoir d’une issue plus humaine.
Enfin, la Force opérationnelle Burapha a annoncé la mise en œuvre de la loi martiale à Ban Nong Chan, dans le district de Khok Sung, province de Sa Kaeo, à la suite d’une incursion de civils cambodgiens qui ont provoqué des troubles sur le territoire thaïlandais. Si un tel incident survient à nouveau, les civils cambodgiens peuvent se faire arrêter et risquent la peine de mort. Bien évidemment, sans démarcation de la frontière reconnue internationalement, rien ne prouve que ces Cambodgiens ne se trouvaient pas au Cambodge.