
La tension monte dangereusement entre la Thaïlande et le Cambodge, alimentée par une série de décisions militaires et politiques qui font craindre une escalade vers un conflit ouvert. À la frontière, le général Boonsin Phadklang, commandant de la 2e région militaire, a ordonné l’installation de clôtures permanentes autour du temple ancien de Prasat Ta Muen Thom, désormais inaccessible aux Cambodgiens sans visa. « Si vous touchez, vous assumez les conséquences », a-t-il averti, assimilant toute tentative d’accès à une atteinte à la souveraineté thaïlandaise.
Ces déclarations musclées s’ajoutent à une série de provocations. Boonsin a évoqué deux options pour reprendre le temple de Preah Vihear, pourtant attribué au Cambodge par la Cour internationale de justice en 1962 : une nouvelle procédure juridique ou une action militaire. Bien que cette dernière soit jugée risquée, elle n’est pas exclue, attisant ainsi les inquiétudes et les haines.
Sur le terrain, les tensions sont déjà palpables. À Ban Nong Chan, dans la province de Sa Kaeo, l’armée thaïlandaise a encerclé un village occupé depuis les années 1970 par des réfugiés cambodgiens, provoquant des affrontements et des protestations. Le général Songwit Noonpakdee soutient l’idée de clôturer toute la frontière, malgré les coûts élevés et les risques diplomatiques. Cette militarisation progressive, sous couvert de lutte contre les crimes transfrontaliers, menace de transformer des désaccords territoriaux en conflit armé.
Il est difficile d’imaginer que le Cambodge accepte sans broncher de perdre le temple Prasat Ta Muen Thom, que les cartes officielles de 1907 situeraient sur son territoire. La Thaïlande ne saurait s’étonner des réactions irritées que cette posture pourrait susciter chez son voisin.
La chute du gouvernement de Paetongtarn Shinawatra, après une conversation controversée avec Hun Sen, n’a fait qu’aggraver la situation. Les relations bilatérales sont gelées, les passages frontaliers fermés, et les populations locales, souvent liées par des relations familiales, sont prises en otage par des décisions politiques et militaires.
Boonsin assure que l’armée n’envisage aucun coup d’État, mais cette déclaration suscite davantage de méfiance qu’elle ne rassure, tant elle rappelle les formules utilisées par les généraux à la veille de précédents putschs.
Alors que les experts appellent à des solutions cartographiques et diplomatiques, les discours belliqueux et les gestes de repli nationaliste se multiplient. Si rien n’est fait pour apaiser les tensions, la Thaïlande risque de franchir un seuil dangereux, transformant une querelle frontalière en guerre régionale. Certains universitaires thaïlandais affirment que le moment est venu de choisir la voie du dialogue plutôt que celle des barbelés.