
L'armée thaïlandaise installée à An Ses, une zone revendiquée par la Cambodge.
À l’aube du 5 août, la situation sur la ligne de front entre la Thaïlande et le Cambodge restait calme, selon Maly Socheata, porte-parole du ministère cambodgien de la Défense. Mais derrière cette accalmie apparente, les tensions demeurent vives dans la zone contestée d’An Ses, où Phnom Penh accuse Bangkok d’avoir installé des barbelés en violation du cessez-le-feu.
Ce cessez-le-feu, conclu le 28 juillet après cinq jours d’affrontements meurtriers, a mis fin à l’un des épisodes les plus violents entre les deux voisins depuis plus d’une décennie. Les combats, marqués par des échanges d’artillerie et des sorties aériennes, ont fait au moins 43 morts et provoqué le déplacement de plus de 300 000 personnes. L’accord a été obtenu en Malaisie, avec le soutien des États-Unis et de la Chine, présents en tant qu’observateurs.
Depuis le 4 août, des discussions préliminaires ont lieu à Kuala Lumpur entre les délégations thaïlandaise et cambodgienne, en préparation d’une réunion ministérielle cruciale prévue le 7 août. Le Comité général des frontières (GBC), initialement prévu à Phnom Penh, a été déplacé pour des raisons de sécurité.
Six points majeurs sont à l’ordre du jour : le maintien du cessez-le-feu, le retrait des troupes, la création de zones démilitarisées, l’enquête sur les pertes humaines, la mise en place de canaux de coordination locaux, et l’échange de renseignements pour prévenir de futurs incidents. Le général malaisien Datuk Mohd Nizam Jaffar, hôte des pourparlers, a exprimé son espoir de voir émerger des solutions durables.
Malgré les discussions, la méfiance reste palpable. Le Cambodge accuse la Thaïlande d’avoir violé l’accord en déployant des excavatrices et en posant des barbelés dans une zone sensible. Bangkok, de son côté, affirme que les positions sont restées inchangées, tout en signalant un renforcement des troupes cambodgiennes pour remplacer les pertes subies.
Un autre point de friction concerne la détention de 18 soldats cambodgiens capturés par la Thaïlande. Phnom Penh exige leur libération immédiate, tandis que Bangkok indique que ces « prisonniers de guerre » reconnus seront relâchés une fois le conflit totalement résolu, et non simplement suspendu.
Enfin, la Thaïlande a demandé au Cambodge de récupérer les corps de ses soldats tombés lors des récents affrontements frontaliers, certains étant encore abandonnés sur le terrain. Civils et militaires thaïlandais se plaignent de fortes odeurs de décomposition. Bangkok accuse Phnom Penh de violer les principes humanitaires et le droit international. L’inaction des Cambodgiens contredit les valeurs bouddhistes du respect des morts et incite à penser que le bilan est plus élevé qu’annoncé de leur côté.
Au-delà des enjeux militaires, les deux pays explorent des pistes de coopération économique et sociale. L’ouverture temporaire de points de contrôle frontaliers dans des zones non opérationnelles est à l’étude, tout comme la relance de projets communs dans les provinces frontalières.
Dans ce contexte tendu, les Jeux d’Asie du Sud-Est, prévus en Thaïlande, sont également impactés. Le Cambodge a drastiquement réduit sa délégation, passant de 1 515 à 57 athlètes, en raison des récents affrontements. Le Comité olympique thaïlandais, qui prévoit 2 134 athlètes et 652 officiels, affirme que plusieurs pays, dont le Cambodge, ont demandé un report des confirmations finales.
Alors que les discussions se poursuivent, la situation reste suspendue à un fil. Les accusations réciproques, les enjeux militaires et les sensibilités nationales rendent toute avancée incertaine. Les observateurs internationaux, notamment les États-Unis, la Chine et la Malaisie, jouent un rôle clé dans la médiation, mais ne peuvent empêcher une véritable haine de croître de part et d’autre.