
La réforme de la Constitution thaïlandaise, portée par le Parti du Peuple, se heurte à une résistance féroce des élites conservatrices ou « régime » qui tient le pays. Ces élites sont bien décidées à préserver leur emprise sur le pouvoir. Pour le politologue Olarn Thinbangtieo, la charte actuelle de 2017 a été taillée sur mesure pour maintenir l’instabilité politique et verrouiller le système via le Sénat et les institutions de contrôle.
La Cour constitutionnelle a récemment imposé un parcours semé d’embûches : trois référendums seront nécessaires pour valider toute réforme. Le premier, sur la nécessité d’une nouvelle Constitution, pourrait déjà échouer, faute d’adhésion populaire. Beaucoup de citoyens perçoivent ces efforts comme des manœuvres politiques sans impact concret sur leur quotidien.
Autre coup dur : l’interdiction de l’élection directe des membres de l’Assemblée constituante (CDA), jugée « inhabituelle » et révélatrice d’une peur des élites face à une réforme profonde, comme celle de 1997 qui avait propulsé Thaksin Shinawatra. Le professeur Phichai Ratnatilaka Na Bhuket dénonce une « culture de la méfiance » envers les citoyens ou « sujets » et une Cour qui redessine les règles du jeu au profit des institutions non élues.
Face à ces obstacles, le Parti du Peuple et le Pheu Thai ont présenté leurs modèles de participation citoyenne. Le premier propose un comité de rédaction de 70 membres élus par liste nationale, complété par 35 désignés par le Parlement, et un conseil consultatif de 100 représentants provinciaux. Le second mise sur une sélection indirecte : 140 à 200 candidats élus localement, dont 100 choisis par le Parlement, avec 40 membres issus de la société civile.
Le réseau Con For All, qui milite pour une CDA élue directement, critique la décision de la Cour et menace de lancer sa propre initiative si les partis ne garantissent pas une participation citoyenne réelle. Yingcheep Atchanont, directeur d’iLaw, rejette tout modèle impliquant des personnalités non élues.
Le gouvernement doit désormais clarifier le calendrier des référendums et publier les questions dans la Gazette royale. Malgré les divergences, tous s’accordent sur un point : sans implication populaire, la réforme n’aura ni légitimité, ni avenir.
L’avenir reste d’autant plus flou que le leader du Parti du Peuple, Natthaphong Ruengpanyawut, a réaffirmé sa position sur la loi thaïlandaise de lèse-majesté (article 112). Dans une interview à Time, il a déclaré vouloir « repositionner la monarchie au-dessus de la politique » et adapter la loi aux réalités modernes. Cette position intervient après la dissolution du parti Move Forward en 2023 pour avoir déjà tenté d’améliorer cette loi. Natthaphong reconnaît les risques de « guerre juridique », mais insiste sur la nécessité d’un débat parlementaire et d’une réforme constitutionnelle plus large.



