
Les réunions discrètes de l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra avec des groupes d’opposition du Myanmar et certaines organisations ethniques révolutionnaires (ERO) pour discuter de solutions possibles à la guerre civile en cours dans le pays troublent et agacent de tous les côtés
Thaksin et son équipe ont rencontré séparément des représentants de groupes révolutionnaires, dont l’Union nationale Karen, le Parti national progressiste Karenni (KNPP), l’Organisation nationale Kachin et le gouvernement d’unité nationale à Chiang Mai en mars et avril. Il a également rencontré des représentants du Conseil de restauration de l’État Shan.
Ces réunions n’avaient pas été rendues publiques à l’époque mais ont été confirmées par le nouveau ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Maris Sangiampongsa, proche de longue date de Thaksin. Maris a déclaré que les pourparlers avaient été menés sur une base privée et ne faisaient partie d’aucune initiative officielle de politique étrangère thaïlandaise.
Des sources ont déclaré que Thaksin souhaitait servir de médiateur entre les ERO et la junte qui a pris le pouvoir à un gouvernement élu en février 2021. Une junte qui a essuyé une série de défaites humiliantes, notamment dans le nord, l’ouest, le sud-est et le sud du pays.
Thaksin est le leader de facto du parti Pheu Thai au pouvoir en Thaïlande, bien qu’il n’occupe aucun poste officiel. « Nous devons admettre que M. Thaksin est connu et a des relations. Le Myanmar [la junte militaire] croit qu’il peut aider », a déclaré le nouveau ministre des Affaires étrangères.
Thaksin, qui serait proche du chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, aurait demandé l’autorisation de se rendre au Myanmar. Il a rendu visite à Min Aung Hlaing en 2013 lors d’un voyage dans le pays et y avait des intérêts commerciaux sous le régime précédent.
Une source thaïlandaise bien informée et proche du dossier a déclaré que ces réunions s’étaient retournées contre Thaksin.
Du côté de La junte birmane, c’est la colère. Selon l’AFP citant le porte-parole de la junte Zaw Min Tun Elle considère qu’il est inapproprié d’encourager les « groupes terroristes » à détruire le Myanmar, après les réunions initiées par Thaksin avec des représentants de groupes armés et ethniques à Chiang Mai pour discuter d’éventuelles solutions pacifiques à la guerre civile,
« Thaksin est désormais critiqué de toutes parts. Ce serait bien pour lui de prendre du recul sans perdre la face, car Min Aung Hlaing n’accède pas à sa demande. », a déclaré la source thaïlandaise.
Mercredi, la commission parlementaire ad-hoc, dirigée par un député du parti Move Forward, Rangsiman Rome, a annoncé qu’elle enquêterait sur les négociations de Thaksin affirmant qu’elles pourraient semer la confusion quant au rôle de la Thaïlande.
Des sources ont également déclaré que l’armée thaïlandaise surveillait de près ceux que Thaksin. Les organisations armées ethniques et les ERO basées le long de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar ne sont pas sûres que l’armée royale thaïlandaise soit heureuse de voir Thaksin les rencontrer.
Une source qui a participé à une réunion a déclaré que Thaksin avait apporté un document formel, s’accordant le pouvoir d’agir en tant que médiateur, que chaque groupe devait signer. « Aucun groupe n’a signé le document présenté par Thaksin », a déclaré la source.
De plus, les réunions ne se sont pas déroulées comme l’ancien Premier ministre l’espérait. Lors des discussions avec le NUG, Thaksin n’a pu rencontrer que des responsables de niveau intermédiaire du gouvernement fantôme, bien qu’il ait exprimé le désir de rencontrer ses hauts dirigeants.
« Nous n’avons trouvé aucun accord avec lui. Nous avons dit que l’heure n’était pas au dialogue. Nous avons discuté de la manière dont l’aide humanitaire pourrait être utile aux populations alors que les combats font rage. Nous n’avons discuté de rien d’autre », a déclaré un leader des rebelles.
Malgré l’empressement de Thaksin à jouer un rôle de médiateur dans la crise du Myanmar, une autre source thaïlandaise proche du dossier doutait qu’il soit en mesure de le faire, car Thaksin dispose de peu d’informations récentes sur la situation du Myanmar. Selon tous les observateurs, Thaksin devrait d’abord se tenir au courant avant de vouloir jouer au médiateur.
Rangsiman Rome a demandé en quelle qualité Thaksin avait accueilli les réunions. « Thaksin n’a aucun poste dans ce gouvernement et le gouvernement ne lui a pas confié la tâche de ramener la paix au Myanmar », a-t-il déclaré. « Toute négociation avec les groupes belligérants du Myanmar ne devrait être menée que par des représentants légitimes et autorisés », a ajouté Rangsiman.
Jusqu’à présent, ni le Premier ministre thaïlandais Srettha Thavisin ni le ministre des Affaires étrangères Maris n’ont émis de critiques à l’égard des réunions de Thaksin qui est, de facto, leur « patron » en tant que leader (officieux) du parti au pouvoir.
Le directeur des services correctionnels thaïlandais, Sahakarn Petchnarin, a déclaré que le département enquêtait pour savoir si Thaksin avait violé sa liberté conditionnelle en organisant la réunion.
Incapable de rester tranquille ou à la recherche d’un prix Nobel de la paix Thaksin Shinawatra a rencontré le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim à Phuket la semaine dernière, selon des sources. Les sujets discutés incluaient les troubles dans le Sud profond ainsi que les combats au Myanmar.
Des sources ont indiqué que M. Anwar tenait à jouer le rôle de médiateur dans les pourparlers de paix entre la Thaïlande et les groupes insurgés du sud.
Les combats au Myanmar ont également été abordés lors de la réunion selon les sources qui affirme que M. Anwar exhorte la Thaïlande à s’impliquer davantage dans les efforts visant à résoudre le conflit. En effet, L’attitude équivoque du gouvernement d’une part et de l’armée thaïlandaise, proche de la junte, d’autre part, ne favorise pas une sortie de crise.
Wanwichit Boonprong de l’université de Rangsit, déclare que les pourparlers de Thaksin avec des groupes rebelles au Myanmar (mais aussi avec Anwar) visaient à restaurer sa réputation et à accroître la popularité de Pheu Thai et de sa chef Paetongtarn, sa fille. C’est raté.