
La 58ᵉ réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN à Kuala Lumpur a illustré la résilience du bloc dans un environnement mondial instable, marqué par l’unilatéralisme américain et la politique tarifaire agressive de Donald Trump. Face aux tensions commerciales croissantes et à une nouvelle guerre douanière imminente, l’ASEAN réaffirme son rôle de stabilisateur régional et de plateforme de dialogue neutre entre puissances rivales.
La présidence malaisienne a renforcé la cohésion du bloc, favorisant des échanges ouverts entre partenaires tout en consolidant sa position centrale. L’instrumentalisation des tarifs comme arme politique par Washington a renforcé le besoin de coordination entre les politiques économiques et diplomatiques des pays membres.
Parmi les faits marquants :
- Relations renforcées avec l‘UE :
L’Union européenne ambitionne de transformer ses relations avec l’ASEAN en un partenariat stratégique global d’ici 2027. Bruxelles reconnaît le rôle économique croissant de l’Asie du Sud-Est, notamment dans les chaînes d’approvisionnement (batteries, caoutchouc). Kaja Kallas, Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, n’a pas ménagé ses efforts pour impressionner favorablement les membres de l’ASEAN. Toutefois, l’association exige que l’UE respecte ses principes de non-ingérence et de consensus avant toute évolution. - Avancées avec la Chine :
L’accord de libre-échange ASEAN-Chine (ACFTA 3.0) sera signé en octobre, après des années de blocage. Pékin a également annoncé son adhésion sans condition préalable au protocole sur la zone exempte d’armes nucléaires (SEANWFZ), une première qui témoigne de son repositionnement diplomatique. - Birmanie : entre marginalisation et pression diplomatique :
Malgré une apparente marginalisation dans l’ordre du jour, le Myanmar reste au cœur des préoccupations. Des délégations ministérielles seront envoyées pour promouvoir le consensus en cinq points (5PC) que la junte refuse de mettre en place depuis des années et évaluer la situation humanitaire, dans un contexte de sanctions commerciales croissantes. - Criminalité transnationale : nouvelle priorité régionale :
La Thaïlande a mis en lumière les menaces posées par les réseaux criminels transfrontaliers (escroqueries, traite humaine, jeux illégaux) dont elle est le centre géographique. À la surprise générale, Marco Rubio a exprimé un soutien actif à une coopération renforcée ASEAN–États-Unis sur cette question, ouvrant la voie à un renforcement stratégique lors du sommet bilatéral prévu.
En somme, l’ASEAN, plus forte et plus prospère que jamais, se redéfinit comme acteur pragmatique et pivot géopolitique, renforçant sa capacité à répondre aux défis commerciaux et sécuritaires tout en préservant son autonomie diplomatique.