
Chor Sukunthea
La réouverture des postes-frontières entre la Thaïlande et le Cambodge reste suspendue à la mise en œuvre stricte des accords conclus lors du récent comité frontalier (GBC), a déclaré Sihasak Puangketkeow, pressenti comme futur ministre des Affaires étrangères. Bien que les discussions aient été jugées « positives », Sihasak insiste sur la nécessité de garantir la sécurité des populations vivant le long de la frontière avant toute décision.
Le contexte est tendu : plus de 80 drones ont été détectés dans l’espace aérien thaïlandais près du Cambodge, certains pénétrant plus profondément dans le territoire. Des mouvements de troupes cambodgiennes ont également été observés, bien que les deux armées restent en position défensive. Les forces thaïlandaises maintiennent des postes d’observation pour surveiller la situation.
Parallèlement, la fermeture prolongée des frontières affecte lourdement les échanges commerciaux. La Thaïlande exporte environ 10 milliards de bahts par mois vers le Cambodge. Selon la politologue Puangthong Pawakapan, cette paralysie nuit autant aux entreprises japonaises qu’aux sociétés thaïlandaises implantées au Cambodge, bien que ces dernières restent discrètes. Elle rappelle que les produits concernés sont des composants industriels, essentiels aux chaînes d’approvisionnement, et non des biens de consommation.
Le Japon, qui n’est pas impliqué dans le conflit frontalier, a investi au Cambodge dans le cadre du programme « Thailand Plus », lancé en 2019 pour attirer les investisseurs touchés par la guerre commerciale sino-américaine. L’ambassadeur japonais a récemment demandé à Bangkok d’autoriser l’acheminement de marchandises vers les usines japonaises au Cambodge, mais cette requête a été vivement critiquée par des nationalistes thaïlandais.
Le ministre de la Défense par intérim, Nattaphon Nakpanich, avait proposé une réouverture partielle, mais cette initiative a été rejetée par le commandant de la deuxième région militaire, le lieutenant-général Boonsin Padklang, et par une partie de l’opinion publique.
Depuis le cessez-le-feu du 29 juillet, les démineurs thaïlandais ont découvert 2 470 engins explosifs près de la frontière cambodgienne. Les fouilles menées dans les zones contestées de Phu Makua, Chong An Ma et Chong Bok ont permis de récupérer des mines antipersonnel, des obus non explosés et des explosifs inutilisés. Quatorze soldats thaïlandais ont été blessés par des mines entre mi-juillet et fin août, dont six amputés. La plupart des incidents ont eu lieu sur des itinéraires déjà déclarés sécurisés.
En dépit des engagements bilatéraux pour retirer les armes lourdes, déminer les zones sensibles et lutter contre les escroqueries transfrontalières, la méfiance persiste. Pour l’heure, la Thaïlande attend des actes concrets de la part du Cambodge avant d’envisager une reprise des échanges.