
Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères à l'ONU
À New York, la 80e Assemblée générale des Nations Unies s’est transformée en scène de règlement de comptes entre le Cambodge et la Thaïlande, ravivant une querelle frontalière qui frôle l’absurde. Le vice-Premier ministre cambodgien Sokhonn Prak a accusé Bangkok de violer les accords de cessez-le-feu et le droit international, menaçant la « paix chèrement acquise » de son pays.
Dans un discours solennel, Prak a dénoncé les « cartes unilatérales », les « expulsions forcées » de civils cambodgiens et l’imposition de lois thaïlandaises sur des terres disputées. Il a appelé l’ASEAN, l’ONU et les partenaires internationaux à intervenir pour désamorcer les tensions, tout en assurant que le recours à la force resterait « une ultime option ».
La réponse thaïlandaise, livrée par le ministre des Affaires étrangères Sihasak Phuangketkeow, n’a pas tardé. Accusant le Cambodge de mensonges, provocations et violations répétées du cessez-le-feu, il a affirmé que les villages évoqués par Prak se trouvent bel et bien en territoire thaïlandais. Il a rappelé que ces communautés sont nées de l’accueil humanitaire de réfugiés cambodgiens dans les années 1970, et que leur expansion s’est faite malgré les protestations de Bangkok.
Sihasak a fustigé le double discours de son homologue, affirmant que la veille, les deux hommes parlaient de paix et de confiance mutuelle. « Ce qui a été dit aujourd’hui est l’exact opposé », a-t-il lâché, qualifiant les accusations de « grotesques ». Il a même réécrit son discours en urgence pour répondre aux propos cambodgiens.
Les deux camps s’accusent mutuellement de provocations : drones, tirs, barricades arrachées, civils mobilisés… Un incident survenu le 17 septembre, impliquant 200 Cambodgiens à Ban Nong Ya Kaew, a blessé des agents thaïlandais et ravivé les tensions.
Malgré les consultations quadripartites organisées par Washington avec la Malaisie, le Cambodge et la Thaïlande, le ton reste puéril et les échanges dignes d’une cour de récréation diplomatique. Derrière les envolées lyriques et les appels à la paix, chacun campe sur ses positions, brandissant sa version des faits comme vérité absolue.
Ce théâtre onusien illustre l’impasse d’un conflit où la diplomatie semble reléguée au second plan, au profit d’un affrontement d’ego et de récits antagonistes. Les ultras nationalistes des deux pays se frottent les mains.
Sur le terrain, les autorités thaïlandaises ont ordonné à des ressortissants cambodgiens de quitter sous 15 jours une zone forestière protégée dans le district de Khok Sung, province de Sa Kaeo. Des panneaux trilingues ont été installés après le dépôt d’une plainte pour occupation illégale. Les contrevenants risquent jusqu’à 15 ans de prison et 100 000 bahts d’amende. Mercredi, plus de 200 Cambodgiens ont affronté les forces thaïlandaises, provoquant des blessés des deux côtés. En réponse, la province exige l’évacuation complète des zones disputées et un plan détaillé avant le 10 octobre.