
Les tensions montent entre la Thaïlande et le Cambodge autour de villages frontaliers disputés dans la province thaïlandaise de Sa Kaeo. Le général Worayos Luangsuwan, nouveau chef de la Première région militaire, a annoncé que la Thaïlande boycottera la réunion du Comité régional des frontières (RBC), prévue du 10 au 12 octobre à Poipet, si le Cambodge ne propose pas un plan clair d’évacuation des familles cambodgiennes installées illégalement à Ban Nong Chan, Ban Nong Ya Kaeo et Ban Ta Phraya.
Ces villages, historiquement utilisés pour accueillir des réfugiés cambodgiens pendant la guerre civile, sont aujourd’hui au cœur d’un bras de fer diplomatique. Bangkok affirme que ces zones sont thaïlandaises depuis longtemps, et exige leur libération avant toute reprise des discussions bilatérales. Le gouverneur de Sa Kaeo a fixé au 10 octobre la date limite d’évacuation, sous peine d’arrestations et de poursuites.
En réponse, le général cambodgien Ek Sam Oun a rejeté fermement cette demande, jugeant qu’elle dépasse les compétences du RBC et viole les accords bilatéraux. Selon Phnom Penh, seul le Comité mixte de délimitation (JBC) peut trancher sur les questions de souveraineté territoriale. Le Premier ministre Hun Sen a publié cette lettre sur Facebook, affichant sa position sans ambiguïté.
On comprend donc, en creux, que le Cambodge ne revendique pas ces villages, mais conteste la légitimité d’un comité.
Sur le terrain, les tensions sont palpables. Des rapports militaires affirment n’observer aucun retrait des troupes ni des armes lourdes. Les efforts conjoints pour le déminage et la lutte contre les escroqueries transfrontalières sont au point mort.
Face à l’impasse, la Thaïlande envisage de construire une clôture de 23,6 km le long des zones non contestées, en s’appuyant sur des repères naturels comme les canaux. Le Premier ministre Anutin Charnvirakul insiste sur une approche légale et diplomatique, affirmant : « Il s’agit des gens, pas des militaires. »
Un sondage NIDA révèle que 60,76 % des Thaïlandais soutiennent un référendum pour annuler les accords MOU 43 et 44, signés en 2000-2001 pour gérer les litiges frontaliers. Mais près de la moitié des sondés avouent ne pas comprendre ces textes. Le danger, c’est que le vote ne porte pas réellement sur les protocoles d’accord difficiles à appréhender (MoU), mais qu’il soit détourné par une poussée de xénophobie alimentée par les discours nationalistes. En définitive, ce référendum risquerait d’aggraver les tensions frontalières — ce qui pourrait bien être l’objectif recherché.
Alors que la fermeture de la frontière dure depuis trois mois, les observateurs craignent une escalade si les négociations échouent. La Thaïlande campe sur sa position : pas de dialogue sans plan d’évacuation. Le Cambodge, lui, joue la carte du droit international.