
Le conflit entre Pheu Thai et Bhumjaithai, initialement une bataille pour le contrôle du Sénat, a évolué en une crise politique majeure en Thaïlande. Le Département des enquêtes spéciales (DSI) a accusé plus de 100 sénateurs liés au Bhumjaithai de blanchiment d’argent dans le cadre d’une fraude électorale présumée lors des élections sénatoriales de 2024. Cette affaire, précédemment placée sous l’autorité du ministre de la Justice Tawee Sodsong, allié du Pheu Thai, menace la stabilité du gouvernement.
Avec une coalition affaiblie et une majorité réduite, Pheu Thai pourrait dissoudre la Chambre et convoquer de nouvelles élections. Les analystes prévoient que le Bhumjaithai pourrait être expulsé du gouvernement. Avec les accusations de fraude électorale en 2024 quasi avérées, la moitié des sénateurs risquent de perdre leur siège. La logique voudrait que les élections sénatoriales soient invalidées.
Le DSI a mis en lumière une vaste opération impliquant des milliers de « candidats – électeurs -prête-noms » et l’achat massif de votes, donnant lieu à des accusations de fraude et de blanchiment d’argent contre 138 sénateurs. Parmi les personnalités convoquées, notons le président du Sénat Mongkol Surasatja et le premier vice-président Kriangkrai Srirak, le vice-ministre du Commerce, Napintorn Srisunpang, et l’ancien vice-ministre de l’Agriculture, Supachai Phosu. Malgré les objections de certains sénateurs, la Commission électorale (CE) a pris des mesures en convoquant 55 d’entre eux et en collaborant avec le DSI pour examiner les flux financiers suspects.
Le DSI possède des preuves : 30 000 interactions tracées via le téléphone, des centaines de virements bancaires et les données de localisation, comme les hôtels et les points de rencontre, des coïncidences qui ne peuvent statistiquement arriver qu’une fois sur 10 puissance 48, et enfin 2 948 bulletins de vote marqués sur 2 988.
Le Sénat, clé des prochaines élections et des nominations aux agences indépendantes, est devenu l’enjeu central d’une lutte acharnée entre les partis. Pour preuve, la Cour constitutionnelle, proche du régime, tout comme le Bumjaithai, a suspendu le ministre de la Justice Tawee Sodsong de ses fonctions de supervision du DSI. Il est remplacé par le ministre sans portefeuille, Chusak Sirinil, du Pheu Thai.
Des sénateurs et des figures politiques demandent la dissolution de Bhumjaithai pour fraude électorale. Kusumalawati Sirikomut, par exemple, a accusé le chef du parti, Anutin Charnvirakul, d’avoir convoqué les sénateurs nouvellement élus dans un hôtel après les élections pour leur faire signer des documents pour mieux les contrôler. Elle affirme disposer de preuves photographiques et audio. Elle va demander une protection rapprochée. Comme beaucoup, elle estime que, compte tenu des preuves, le parti devrait être dissous et les élections sénatoriales annulées.
À l’inverse, les sénateurs Bumjaithai élus demandent que l’enquête cesse et même exigent que la NACC (la commission anti-corruption) se penche sur les accusateurs.
La CE poursuit ses investigations et prévoit de conclure l’enquête avant le 9 juillet, mais elle est si proche des fraudeurs que, si la vérité doit être révélée, elle le sera par les policiers du DSI.
Pour atténuer l’importance de ce conflit, certains cherchent à modifier le rôle du Sénat dans la nomination des agences indépendantes qui, in fine, dirige le pays (Cours Constitutionnelle par exemple). La crise politique qui en découle pourrait remodeler les institutions électorales thaïlandaises.