Nouveaux obstacles sur la route du chef du Parti Move Forward (MFP), Pita Limjaroenrat, pour devenir le prochain Premier ministre, car un panel du Sénat examine actuellement les questions liées à sa déclaration d’actifs et de dettes.
Cela pourrait remettre en question ses qualifications et persuader davantage de sénateurs de ne pas voter pour lui au parlement.
Le sénateur Seree Suwanpanont, en sa qualité de président d’une commission sénatoriale, a déclaré vendredi que la commission avait lancé une nouvelle enquête sur M. Pita et son éligibilité à se présenter aux élections du 14 mai.
« Le comité recherche des informations auprès des agences compétentes. Il s’agit de questions liées aux actifs et à la dette de M. Pita, », a déclaré M. Seree.
M. Seree a déclaré que l’activiste Ruangkrai Leekitwattana, membre du Palang Pracharath (PPRP, armée), avait demandé à la Commission électorale (CE) d’examiner si un terrain détenu par M. Pita à Pran Buri, Prachuap Khiri Khan, faisait partie du patrimoine hérité de son père, décédé en 2006.
M. Ruangkrai a également demandé à la CE de rechercher des informations concernant la déclaration des avoirs et des dettes de M. Pita auprès de la Commission nationale anti-corruption, selon le sénateur Seree.
Une source a déclaré que le problème concernait Oil For Life Co, l’entreprise dirigée par la famille de M. Pita. Ce dernier en fut le patron entre 2006 et 2017.
La société a une dette de 460 millions de bahts et a déposé une demande de restructuration de dette auprès du tribunal des faillites, a indiqué la source.
Ces deux nouvelles affaires ne font que s’ajouter à toutes les autres, comme iTV. On peut n’y voir que des dossiers vides mais la « justice » peut sanctionner malgré tout. Thitichet Nuchanart a déclaré que la CE dont il est membre inviterait les dirigeants d’iTV et M. Pita pour un interrogatoire.
M. Seree affirme que 20 sénateurs avaient exprimé leur soutien à tout candidat au poste de Premier ministre du parti gagnant. « Mais ces sénateurs n’ont pas vraiment mentionné le nom de M. Pita. »
Pol Maj Gen Supisarn Bhakdinaruenart, un député MFP, a déclaré que les dirigeants du parti avaient demandé aux membres de cesser de répondre aux sénateurs qui attaquent le parti. Il pense que M. Pita pourra devenir le prochain Premier ministre malgré tout.
Par ailleurs, le secrétaire général du Pheu Thai, Prasert Chantararuangthong, a déclaré que son parti et le MFP détermineront leur candidat pour le poste de président de la Chambre mercredi.
Chaque jour qui passe, les perspectives pour le parti Move Forward (MFP) de former un gouvernement de coalition semblent s’éloigner malgré tous ses efforts pour garder son calme, selon les observateurs.
De plus, même si une coalition dirigée par le MFP prend le pouvoir, elle pourrait facilement s’effondrer en raison de conflits internes potentiellement désastreux.
Dans une relation où le MFP a plus besoin du Pheu Thai que l’inverse, le « mariage de raison » est voué à l’échec, selon certains observateurs.
Pour commencer, alors que le MFP est sorti vainqueur des élections, il est minoritaire en termes d’idéologie politique radicale comme la (légère) modification de la loi de lèse-majesté. Sur ce sujet le MFP a plus d’ennemis que d’amis et le Pheu Thai serait plus proche de l’armée.
Le MFP et le Pheu Thai sont sur une trajectoire de collision, ce qui ouvre la voie à un vote libre pour élire le nouveau président de la Chambre. Dans ce cas, il est fort probable que le candidat du Pheu Thai recueillera plus de soutien, de la part du bloc d’opposition pro-armée, que celui du MFP.
Les partis du bloc pro-armée dont Palang Pracharath, trouvent des terrains d’entente avec le Pheu Thai.
Les observateurs estiment que si le Pheu Thai parvient à décrocher le perchoir, cela pourrait briser les relations amicales avec le MFP et tout espoir de voir Pita premier ministre.
Par ailleurs, le Pheu Thai compte de nombreux candidats rompus aux lois et aux affaires parlementaires, comparés aux « novices » du MFP. Adisorn Piangket, député Pheu Thai, estime que son parti fait trop de concessions alors que le MFP n’a remporté « que » 151 sièges, bien en deçà de la majorité. Il suggère que la question devrait être tranchée par un vote libre au parlement.
Selon lui, le Pheu Thai a fait de son mieux pour éviter les conflits avec le MFP afin d’empêcher le camp « armée » de former une coalition avec le chef du Palang Pracharath Party (PPRP) Prawit Wongsuwon au poste de Premier ministre.
M. Adisorn a déclaré que la perspective d’un gouvernement minoritaire dirigé par le PPRP, avec 188 sièges ne peut pas être exclue tant que le Sénat est autorisé à co-sélectionner le Premier ministre.
Une source du Pheu Thai a déclaré que le parti se calme dans sa lutte pour le perchoir parce que les personnalités importantes du Pheu Thai et du MFP ne voient pas comment Pita Limjaroenrat peut surmonter les obstacles auxquels il est confronté pour se faire élire premier ministre.
« Le MFP aura grandement besoin du poste de président de la Chambre pour compenser la déception de ne pas avoir le poste de Premier ministre. Pheu Thai le comprend et laissera le MFP avoir le perchoir. « , a déclaré la source.
Le Pheu Thai est donc devenu le parti charnière.
Si l’armée exige que Prawit devienne premier ministre, on voit mal l’intérêt de Pheu Thai de trahir ses électeurs en rejoignant un gouvernement de dinosaures impopulaires. Ce serait un suicide politique en échange du retour de Thaksin.
Si l’armée offre le poste de premier ministre au Pheu Thai cela devient plus intéressant mais la coalition sentira toujours les treillis.
Si on a un premier ministre Pheu Thai dans une coalition avec MF, cela correspondrait au vœu des Thaïlandais mais ce serait extrêmement risqué tant la façon de penser la société diffère entre les uns et les autres (féodal chez PT, contemporain chez MF).
Ce dessin du Matichon résume la situation. Ce sont les pages d’un livre d’histoire de la Thaïlande mentionnant la révolution du 24 juin 1932 qui a instauré une monarchie constitutionnelle. L’armée n’a eu de cesse que de déchirer l’histoire du royaume depuis empêchant toute démocratie et tranquille monarchie constitutionnelle.
Le roi inaugurera la nouvelle législature le 3 juillet à l’Assemblée. Le vote pour le perchoir devrait avoir lieu le lendemain.
Devant ce naufrage de la Thaïlande, le grand journaliste et ami de feu Arnaud Dubus, Pravit Rojanaphruk fait l’analyse suivante.
Depuis des semaines, des dirigeants de la contestation, dont Arnon Nampa, demandent aux pro-démocratie d’être prêts à manifester en cas d’une telle éventualité.
Des manifestations prolongées pourraient avoir lieu et aucune partie ne cédera facilement. Un affrontement entre manifestants pro et anti-Pita dans les rues ne peut pas être exclu si l’on en juge par l’histoire du pays. Les provocateurs mercenaires s’assureront alors qu’il y aura des violences de sorte que le décor sera planté avec des prétextes pour une nouvelle intervention militaire .
Après le coup d’État militaire, Pravit imagine 2 scénarios :
Comme en 2014, intimidations et promesse d’élections dans 5 ans. Mais ce serait le même cercle vicieux, une boucle infernales qui plongera la Thaïlande plus profondément dans un état de désespoir politique.
Ou bien, les manifestants, en particulier les jeunes maintenant matures refuseront de rentrer chez eux et la situation peut devenir incontrôlable. Il n’y aura pas assez d’espace pour emprisonner Des dizaines de milliers de personnes.
Le vent pourrait se retourner contre les putschistes et certains soldats refuseraient de s’en prendre à la population qui a gagné les élections. Les médias, d’habitude aux ordres (comme nous tous), pourraient refuser de présenter les putschistes comme des sauveurs bien intentionnés.
Ce deuxième scénario voit un coup d’État raté, l’armée renvoyée à la caserne et des réformes pour moderniser l’institution monarchique dignes du 21e siècle.
Les jeunes politisés, y compris ceux qui sont encore trop jeunes pour voter, sont la variable clé et tiennent l’avenir du pays dans leurs mains, toujours selon Pravit.
Ils obtiendront la Thaïlande qu’ils méritent et cela dépendra de leur courage et de leur détermination.
Pravit pense que l’élimination de Pita pourrait être l’étincelle dont le pays a besoin pour un changement politique et social fondamental.
Gageons que l’armée fait la même analyse, évidente au demeurant, et qu’elle se demande si elle doit prendre le risque.
