
La tentative de réécriture de la Constitution thaïlandaise de 2017, rédigée sous la junte militaire, se heurte à un obstacle majeur : la majorité conservatrice du Sénat. Pour que le processus avance, il faut obtenir au moins 67 voix sénatoriales, soit un tiers de la chambre haute. Les sénateurs progressistes et le parti Pheu Thai exhortent le gouvernement dirigé par Bhumjaithai et soutenu par le People’s Party à rallier ce seuil.
La sénatrice Nantana Nantavaropas, figure du camp minoritaire, milite depuis longtemps pour une refonte complète de la Constitution. Elle accuse la majorité sénatoriale d’être liée à Bhumjaithai via des fraudes lors des élections sénatoriales de 2024. Elle appelle le People’s Party à faire pression sur son allié pour respecter l’accord signé lors de la formation du gouvernement minoritaire.
Nantana critique la Constitution actuelle pour ses pouvoirs excessifs accordés aux « institutions indépendantes » comme la Cour constitutionnelle, dont les membres sont nommés par le Sénat, maintenant encore, proche de l’armée. Elle souhaite une Assemblée constituante élue directement par le peuple. Toutefois, une décision de la Cour constitutionnelle interdit cette élection directe, obligeant à concevoir un processus plus indirect, mais toujours représentatif.
Le député Cholnan Srikaew (Pheu Thai) affirme que tous les partis s’accordent sur la nécessité d’une réforme. La première étape consisterait à modifier l’article 256 pour permettre la rédaction d’un nouveau texte conforme à la décision de la Cour. Si les partis coopèrent, le projet pourrait passer en première lecture, être examiné en commission, puis soumis aux deuxième et troisième lectures en décembre. Mais sans les 67 voix du Sénat, tout pourrait échouer.
Enfin, Narinpong Jinapuck, président de l’Association des juristes thaïlandais, propose que les sénateurs minoritaires soumettent une motion pour tester le soutien réel à une Constitution rédigée par des représentants du peuple. Cela permettrait d’éviter un référendum coûteux voué à l’échec si le Sénat s’y oppose.
L’arrivée au pouvoir d’Anutin Charnvirakul, chef du parti Bhumjaithai, risque de freiner l’enquête sur les soupçons de fraude entourant les élections sénatoriales. Son parti est accusé d’avoir influencé le processus électoral, et les nombreux sénateurs issus de cette sélection contestée bloquent désormais toute initiative de réforme constitutionnelle. Ces élus se présentent comme les garants de la stabilité du régime face aux revendications progressistes.
La réforme constitutionnelle reste donc suspendue à une équation politique complexe, où alliances, transparence et volonté populaire devront s’aligner pour espérer un changement durable.
Par ailleurs, l’alliance entre Anutin Charnvirakul, chef du parti conservateur Bhumjaithai, devenu Premier ministre, et le Parti du peuple, pourtant progressiste, suscite une vive incompréhension chez de nombreux jeunes électeurs, notamment sur le campus de l’université Thammasat à Bangkok, bastion du mouvement pro-démocratie.
Des étudiants dénoncent une trahison politique, estimant que Bhumjaithai est trop conservateur et hostile aux mobilisations étudiantes. Les adhérents du Parti du peuple expriment leur déception et leur conflit intérieur. Malgré la crise de confiance, ils envisagent de voter à nouveau pour le parti, faute d’alternative. Le scrutin anticipé est prévu dans quatre mois, après la dissolution du Parlement annoncée par Anutin. À ce stade rien ne dit qu’Anutin tiendra sa promesse ni que, dans ce cas, le Parti du peuple censurera le gouvernement.