
Depuis le 24 juillet, le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge connaît une escalade spectaculaire, marquée par des affrontements meurtriers, des accusations croisées et une mobilisation militaire d’envergure. Après deux jours de combats dans la région d’Oddar Meanchey, un nouveau front s’est ouvert dans la province de Trat, à l’est de la Thaïlande. À l’aube du troisième jour, le 26 juillet, les deux armées ont échangé des tirs, chacun accusant l’autre d’avoir initié les hostilités — Bangkok évoque un tir cambodgien à 5h10, tandis que Phnom Penh affirme que des frappes thaïlandaises ont visé la province de Pursat dès 5h02.
Le bilan humain s’alourdit rapidement. Le ministère cambodgien de la Défense indique que cinq soldats et huit civils ont été tués, et plus de 70 personnes blessées. De son côté, la Thaïlande fait état de 15 morts et 46 blessés, majoritairement civils. Selon l’armée thaïlandaise, ses avions F-16 auraient mené des frappes sur des positions cambodgiennes, faisant près d’une centaine de morts parmi les troupes khmères. Une affirmation que Phnom Penh n’a pas confirmée, mais qui alimente les tensions.
L’usage assumé par l’armée royale thaïlandaise d’armes à sous-munitions, dans une zone densément peuplée, suscite une vive inquiétude. Des ONG et plusieurs chancelleries internationales rappellent les risques persistants que ces munitions représentent pour les civils, et renouvellent les appels à une interdiction mondiale.
Face à la détérioration de la situation, Bangkok a instauré la loi martiale dans plusieurs zones frontalières, notamment à Trat et Chantaburi, invoquant des menaces « sérieuses à la sécurité nationale ». Bien que ces provinces ne soient pas encore théâtre d’affrontements armés, elles partagent une longue frontière avec le Cambodge. Dans le même temps, la police thaïlandaise met en garde contre les agressions de Cambodgiens sur le sol thaïlandais, promettant des poursuites exemplaires.
Pourtant, des efforts de médiation émergent. Le Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, a appelé à un cessez-le-feu immédiat et affirme avoir reçu des signaux encourageants de la part des deux gouvernements. La Malaisie, qui préside actuellement l’ASEAN, pourrait jouer un rôle-clé dans la désescalade. La Thaïlande qui a d’emblée rejeté toute médiation internationale semble prête à accepter que la Malaisie intervienne dans la résolution du conflit.
Lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, le Cambodge a réitéré sa demande de trêve inconditionnelle. De son côté, Bangkok insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une guerre déclarée, mais de frictions localisées le long de la frontière. Cependant, les évacuations massives — plus de 138 000 civils déplacés — et l’implication croissante des forces armées laissent craindre une détérioration rapide.