
Sarawut
Le Sénat thaïlandais a validé la nomination de Sarawut Songsivilai au poste de juge à la Cour constitutionnelle, malgré le fait que 138 sénateurs — soit les deux tiers de l’assemblée — soient eux-mêmes visés par une enquête sur des irrégularités dans le processus de sélection sénatoriale de 2024. Cette décision survient dans un climat politique tendu et marque le remplacement de deux juges constitutionnels dont les mandats de sept ans ont expiré, dont le président Nakharin Mektrairat.
Retraité depuis neuf mois, Sarawut possède une solide carrière dans les transports publics. Diplômé en ingénierie de l’Université Chulalongkorn, il a occupé plusieurs postes de haut niveau : directeur des politiques de transport, directeur général du département ferroviaire, puis directeur général du Département des routes pendant cinq ans.
Son parcours de sélection a nécessité trois tours de scrutin en commission. Après un démarrage à quatre voix, il a finalement obtenu les six votes nécessaires au troisième tour. Lors du vote final et secret en session plénière au Sénat, il a recueilli 143 suffrages pour, 17 contre, 27 abstentions et deux votes non exprimés. Son rival, le professeur Sutham Cheurprakobkit, n’a reçu que 39 voix.
La confirmation de Sarawut intervient en dépit des investigations en cours de la Commission électorale et du Département des enquêtes spéciales, qui mettent en lumière des suspicions de collusion lors des récentes élections sénatoriales. De nombreuses voix appelaient à suspendre les nominations aux postes clés des organes indépendants, mais le Sénat a poursuivi sa procédure, au risque d’alimenter un climat de défiance à l’égard des institutions « démocratiques ».
Dans un contexte où le Sénat thaïlandais est lui-même sous enquête pour irrégularités dans sa propre sélection, la nomination d’un juge constitutionnel par cette même institution soulève des interrogations majeures. Il apparaît peu probable qu’un juge issu de cette procédure se montre particulièrement intransigeant envers les sénateurs, si la Cour constitutionnelle devait se prononcer sur leur responsabilité juridique.
Cette instance, qui joue un rôle central dans l’arbitrage politique du royaume, a par le passé écarté de nombreux responsables politiques et ordonné la dissolution de partis progressistes ayant pourtant obtenu un soutien électoral massif. La corrélation entre les orientations conservatrices du Sénat et le profil des juges qu’il nomme n’est donc pas un détail anecdotique : elle interroge sur l’indépendance réelle de la justice constitutionnelle.
La concentration des pouvoirs de nomination entre les mains d’une chambre non élue, aux affinités idéologiques marquées, alimente ainsi les doutes quant au pluralisme démocratique et à la neutralité des décisions institutionnelles.