
Les deux principaux partis de la coalition au pouvoir en Thaïlande, Pheu Thai et Bhumjaithai, sont engagés dans une lutte pour le contrôle du Sénat, dont les vastes pouvoirs incluent l’approbation des nominations à la Cour constitutionnelle et à d’autres agences indépendantes. Actuellement, Bhumjaithai semble avoir l’avantage avec la loyauté d’environ 140 sénateurs sur 200. Cette situation est cruciale, car plusieurs membres d’agences majeures doivent prendre leur retraite cette année, laissant au Sénat le pouvoir d’approuver leurs remplacements.
L’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, « parrain » du Pheu Thai, cherche à reprendre le contrôle du Sénat. Les analystes notent que Bhumjaithai a réussi à placer des candidats alliés lors des élections sénatoriales dont il aurait organisé la fraude, renforçant ainsi sa position. Le Sénat joue également un rôle clé dans les amendements constitutionnels, nécessitant le soutien d’au moins un tiers des sénateurs pour être adoptés.
La lutte pour le contrôle du Sénat est perçue comme une bataille pour « partager le gâteau » du pouvoir politique. Olarn Thinbangtieo, professeur de sciences politiques, souligne que « le régime » (armée, etc.) est satisfait de la composition actuelle du Sénat, qui démontre sa loyauté envers la monarchie. Cette situation a été illustrée par une grève des sénateurs « bleus » alignés sur Bhumjaithai, bloquant l’adoption d’amendements constitutionnels.
L’enquête du Département des enquêtes spéciales (DSI) sur des allégations de fraude électorale lors des élections sénatoriales ajoute une couche de complexité. Le DSI a révélé une opération sophistiquée impliquant des milliers de candidats fantoches qui ont aidé l’élection d’individus présélectionnés. Cette enquête pourrait être utilisée comme levier politique pour influencer les sénateurs à rejoindre le Pheu Thai, intensifiant ainsi les luttes de pouvoir.
La constitution, rédigée sous la junte du général putschiste Chan-o-cha, place le Sénat au cœur du système politique, avec des implications significatives pour l’équilibre des pouvoirs au sein de la coalition.
Ainsi, cette semaine, le Sénat a rejeté deux candidats à la Cour constitutionnelle, Siripan Noksuan Sawasdi et Chatri Atjananont. Siripan, critiquée pour avoir soutenu un amendement à la loi sur le crime de lèse-majesté, a reçu 43 votes favorables et 136 votes défavorables. Chatri a obtenu 47 votes favorables et 115 votes défavorables.
Les candidats, nommés pour remplacer des juges sortants, ont été choisis par un comité présidé par le président de la Cour suprême. Le débat au Sénat a été marqué par des désaccords, certains sénateurs souhaitant suspendre la réunion en raison de l’enquête sur la fraude électorale qui a permis aux candidats du Bumjaithai de gagner.
La Cour constitutionnelle a une propension marquée à dissoudre les partis politiques qui n’ont pas l’heur de plaire au régime et à disqualifier les hommes politiques souhaitant effectuer certaines réformes. La nomination des membres de cette Cour est donc cruciale pour qu’elle reste dans le même état d’esprit. Les sénateurs Bumjaithai y veillent. Tout nouveau membre de la Cour constitutionnelle élu par le Sénat devra donc passer sous les Fourches caudines du Bumjaithai. Pour mémoire, les sénateurs devaient être apolitiques.
Si le Bumjaithai est bien implanté dans certaines provinces où il remporte des sièges de députés, il ne représente pas grand-chose à l’échelle nationale où les deux partis importants sont le Pheu Thai et le Parti du peuple.