Le Parti Move Forward (MFP) pourrait être dissous après que la Cour constitutionnelle a statué mercredi que ses efforts en faveur d’un amendement à la loi de lèse-majesté constituaient une tentative de renverser la monarchie constitutionnelle.
Le tribunal a ordonné mercredi au MFP de cesser toute tentative de modification de l’article 112 du Code pénal, également connu sous le nom de loi de lèse-majesté. Il a déclaré que faire campagne sur cette question est considéré comme une tentative de mettre fin à la démocratie constitutionnelle avec le roi comme chef de l’État, en violation de l’article 49 de la constitution. Cet article interdit aux citoyens d’utiliser leurs droits et libertés pour renverser la monarchie.
Dans sa décision, le tribunal a déclaré que M. Pita et le parti avaient tenté de modifier ou de révoquer l’article 112 lorsque ses 44 députés ont soumis un projet de loi visant à modifier l’article 112 le 25 mars 2021. Le tribunal a déclaré que le projet de loi visant à modifier l’article faisait partie de la campagne électorale du MFP l’année dernière. Une telle campagne politique visait à mettre la monarchie en conflit avec le peuple, a déclaré le tribunal.
Dans ses attendus, la tribunal mentionne de nombreux autres points dont le fait que certains députés du MFP étaient membres de groupes pro-démocratie manifestant en 2020, et que certains députés du MFP ont payé les cautions de militants arrêtés.
De plus, Le 24 mars 2023, lors de la campagne électorale devant de jeunes militants, Pita a déclaré que le parti cherchait toujours à abolir la loi sur le crime de lèse-majesté, mais qu’il ferait d’abord pression en faveur de la réduction des peines.
Le tribunal a déclaré que le projet de modification de la loi sur la diffamation montrait « une intention de séparer la monarchie de la nation thaïlandaise, ce qui est considérablement dangereux pour la sécurité de l’État ».
« La campagne électorale réclamant un amendement à cet article montre que les accusés [le MFP et M. Pita] ont l’intention de renverser la monarchie », a déclaré le tribunal.
S’exprimant après le jugement, le chef du MFP, Chaithawat Tulathon, a déclaré que son parti n’avait aucune mauvaise intention contre la monarchie. Même si le parti a accepté la décision, M. Chaithawat a déclaré que la société perdait l’occasion d’utiliser le système parlementaire pour trouver des solutions aux conflits.
La décision ouvre la voie à une demande la dissolution du parti et l’interdiction politique de son chef.
Le militant royaliste radical Ruangkrai Leekitwattana a déclaré qu’il demanderait jeudi à la Commission électorale de reconsidérer sa plainte appelant à la dissolution du MFP en relation avec sa campagne vis à vis de l’article 112. La CE avait précédemment rejeté cette plainte comme étant sans fondement.
« Le tribunal a rendu sa décision. La CE ne peut pas se permettre de rester les bras croisés. La décision de la cour est contraignante pour toutes les agences. La CE doit relancer la procédure et l’utiliser comme base [pour demander la dissolution du MFP] », » a déclaré M. Ruangkrai.
Wanwichit Boonprong, de l’université de Rangsit, a déclaré qu’il pensait que le MFP ne survivrait pas à une affaire de dissolution si la CE décidait de transmettre l’affaire au tribunal.
En vertu de l’article 92 de la loi sur les partis politiques, si le tribunal déclare un parti coupable d’avoir violé l’article 49 de la constitution, la CE rassemblera des preuves et demandera au tribunal de dissoudre ce parti et d’interdire à ses dirigeants de postuler aux élections pendant 10 ans.
La loi sur lèse-majesté est de plus en plus utilisée pour étouffer les critiques, affirment les opposants
Pita Limjaroenrat, un jeune homme politique formé à Harvard, était considéré comme une menace par le régime qui tient toujours les rênes du pays (palais, armée, conglomérats). Move Forward a justement gagné les élections de 2023 grâce aux promesses de son parti de limiter l’influence du régime.
Les tentatives de Pita pour être nommé Premier ministre ont toutefois été bloquées par le Sénat nommé par une junte de généraux putschistes.
La semaine dernière, Pita a survécu à une autre affaire judiciaire visant à l’éliminer du Parlement. Mais lui et son parti n’ont pas réussi à gagner mercredi la deuxième affaire cruciale.
En statuant ainsi, la Cour a en fait rendu la loi de lèse-majesté intouchable même par un parlement élu.
La loi a été largement critiquée pour avoir étouffé la liberté d’expression en Thaïlande et pour son application brutale. C’est de très loin la plus brutale du monde. Les autres monarchies sont moins dures et plus ancrées dans le présent.
Plus tôt ce mois-ci, un homme de 30 ans a été condamné à 50 ans de prison à Bangkok pour avoir critiqué la monarchie thaïlandaise.
Plus de 260 personnes ont été inculpées en vertu de la loi 112 depuis 2020.
La décision rendue mercredi par le tribunal envoie également un message clair selon lequel toute discussion sur la monarchie ne sera pas autorisée.
Move Forward avait fait valoir que le rôle légitime d’un parlement élu était de contrôler une loi qui fait partie du code pénal ordinaire. La loi thaïlandaise sur lèse-majesté a déjà été modifiée de manière significative à deux reprises.
De plus, au cours de sa campagne électorale, le parti s’est éloigné des revendications en faveur d’une abolition complète de la loi, appelant uniquement à un amendement.
Le tribunal a interdit toute modification de la loi par tout moyen autre que des « mesures législatives légales ». Cela suggère qu’il pourrait être possible de modifier la loi par l’intermédiaire du Parlement, mais qu’aucun débat public ni débat sur les réseaux sociaux ne sera autorisé. Le parlement inclut les sénateurs qui n’accepteront jamais une modification.
Étant donné le nombre de fois en Thaïlande où des partis politiques ont été dissous et des dirigeants exclus de la vie politique sous des prétextes beaucoup plus futiles, Move Forward a beaucoup à craindre.
L’ancien commissaire électoral Somchai Srisutthiyakorn a déclaré que la Cour constitutionnelle pourrait statuer avant la fin de l’année si la commission électorale allait de l’avant en demandant la dissolution du parti Move Forward.
La Commission électorale pourrait tout simplement porter plainte, a déclaré M. Somchai. Comme on l’a vu le militant royaliste Ruangkrai Leekitwattana demande ce jeudi à la commission électorale d’agir.
La CE pourrait soumettre une telle requête au tribunal dans un délai de deux mois et le tribunal pourrait rendre une décision dans les quatre à six prochains mois, a déclaré M. Somchai.
Si le parti est reconnu coupable, tous ses dirigeants de 2021 pourraient se voir interdire de se présenter à toute élection à vie ou au moins pendant 10 ans, a-t-il déclaré. En 2021, 44 députés du parti ont proposé un projet de loi visant à modifier l’article 112.
M. Somchai a déclaré que le même sort pourrait arriver à ceux qui dirigeaient le parti début 2023 lorsque a été évoquée la réforme de l’article 112 durant la campagne électorale. Ils pourraient leur être interdit de créer ou de participer à la formation d’un nouveau parti politique pendant 10 ans, a-t-il ajouté.
Chaithawat, un leader de MF, explique que le parti voulait améliorer la loi 112 pour la bonne cause sans aucune intention malveillante envers la monarchie.
Il a déclaré que les députés de Move Forward avaient simplement eu l’intention d’empêcher que la loi de lèse-majesté ne soit utilisée de manière abusive.
La loi draconienne n’est pas censée être appliquée arbitrairement par ceux qui ont prêté allégeance à la monarchie, selon le leader de Move Forward.
Par ailleurs, Pita a déclaré que les militants de son parti étaient prêts à s’engager dans une bataille juridique qui pourrait mener à la dissolution.
Il précise que la tentative de modifier la loi visait à préserver la Thaïlande en tant que monarchie constitutionnelle et à faciliter un consensus politique pour le progrès de la nation.
En effet, les observateurs considèrent que certains militants risquent de se radicaliser puisqu’on ne peut pas améliorer la loi pour arriver à un consensus national. Une dissolution de MF entraînera de graves tensions voire des fractures dans le pays.
Le Move Forward est déjà un avatar du Future Forward qui avait été dissous par un tribunal en 2020.
Comme l’explique THAI ENQUIRER, les vieux mâles qui forment le régime ne peuvent rien contre leur propre disparition tout aussi inéluctable. Il existe un vieux dicton thaïlandais « ตายสิบเกิดแสน » (tai sib kerd saen), qui se traduit par « dix meurent, cent mille ressuscitent ». La décision de la Cour a multiplié la détermination des jeunes par cent mille. Les rouages du changement peuvent tourner lentement, mais ils tourneront sûrement.
Comme prévu, le procédurier Ruangkrai Leekitwattana a déposé jeudi une plainte auprès de la Commission électorale (CE) pour demander la dissolution du parti d’opposition Move Forward.
