D’ici le 25, le 26 voire le 27 juillet, Bangkok bruira de rumeurs dont certaines s’avéreront fausses. En effet, les tractations qui se tiennent en coulisses n’ont pas encore révélé leur verdict.
Selon certains sources, le candidat du Pheu Thai, Srettha Thavisin, a déclaré aux membres exécutifs de son parti que pour qu’il soit nommé Premier ministre, le parti Move Forward devait rester dans la coalition pour conserver le soutien populaire. C’est un point clé car éjecter MF au profit des partis pro-armées fera apparaître PT comme un parti conservateur or les Thaïlandais ont voté pour le changement.
Il a également demandé à participer à la formation du cabinet et aux négociations avec les membres de la coalition. En outre, il a demandé l’exclusion du Parti démocrate et du Ruam Thai Sang (Prayut) de la coalition en raison de leur association antérieure avec le Comité populaire de réforme démocratique (ce mouvement très réactionnaire qui a organisé les manifestations contre le gouvernement Pheu Thai élu afin « d’obliger » Prayut à fomenter son coup d’état).
Apparemment, Srettha a exprimé sa volonté de collaborer avec le parti Palang Pracharath (pro armée au pouvoir actuellement) mais a insisté sur l’exclusion de Prawit du cabinet. Pour l’instant, Srettha et Pheu Thai ont plutôt nié ces affirmations mais cela ne veut pas dire qu’elles soient fausses.
«Je suis candidat Premier ministre pour le Pheu Thai. Je dois être prêt à m’occuper des questions économiques », a cependant déclaré Srettha.
Il n’en demeure pas moins que Pheu Thai et Move Forward s’opposent radicalement sur la réforme de l’article 112.
Srettha a déclaré jeudi que la modification de l’article 112 du Code pénal – également connu sous le nom de loi de lèse-majesté – ne doit pas être une politique d’une coalition dirigée par le Pheu Thai car cela l’empêchera de gagner les voix de nombreux députés et sénateurs.
La ligne de fracture ne se situe plus entre pro-armée et pro-démocratie mais entre ceux qui souhaitent la réforme de la loi 112 et tous les autres, donc un divorce entre Pheu Thai et Move Forward est très possible.
En fait, Pheu Thai supplie Move Forward d’abandonner ce projet mais il semble que des millions de Thaïlandais veulent une réforme.
Lorsqu’on lui a demandé si la coalition avait fait tout son possible pour soutenir la candidature de Pita au poste de Premier ministre, Srettha a répondu: « Légalement parlant, cela semble être le cas. »
Il a également déclaré que la coalition devait être prudente dans la nomination de son prochain candidat au poste de Premier ministre, car on voit maintenant que chaque candidat ne peut être nommé qu’une seule fois.
Srettha ajoute qu’il demandera au Pheu Thai de ne nommer aucun ministre ayant une mauvaise réputation, il veut sûrement parler des mafieux notoires dont se sont entourés Prawit et Prayut, voire la famille Shinawatra dans le passé.
Il a mentionné qu’il n’a pas participé à la réunion d’hier où les dirigeants du Pheu Thai ont discuté de la formation du gouvernement et qu’il ne fait pas non plus partie du groupe de négociation entre partis.
Officiellement, Le parti Pheu Thai n’a pas encore désigné son candidat au poste de Premier ministre. Cela sera annoncé après le 25 juillet. Il est peu probable que le parti Move Forward s’oppose à la nomination de Srettha Thavisin car depuis le mois de mai, ce dernier s’est comporter de manière sage et honnête même s’il est clairement opposé à toute modification de la loi 112.
Le chef du Pheu Thai, Chonlanan Srikaew, a déclaré avant d’assister à une réunion de la Chambre jeudi que son camp adhère toujours au protocole d’accord signé par les huit partenaires de la coalition dirigé par Move Forward, mais que des pourparlers se tiendront ces jours-ci. « Tout dépend des discussions », a-t-il conclu.
Interrogé sur le fait que la majorité des députés et des sénateurs ont voté mercredi en faveur de l’application de l’article 41 du règlement parlementaire qui stipule qu’une motion rejetée ne peut être resoumise, privant ainsi Pita d’une seconde chance, Chonlanan a déclaré qu’il était personnellement en désaccord car ce n’est pas conforme à l’état de droit.
Il existe trois scénarios pour former le prochain gouvernement, selon le député du parti Pheu Thai, Sutin Klungsang.
- Le parti Move Forward trouve une solution, avec les sept autres membres de la coalition, au sujet de la loi de lèse majesté. En résumé, il laisse tomber pour l’instant.
- Les 8 partis restent unis et travaillent dans l’opposition. Cela donnerait un gouvernement minoritaire dirigé par Prawit qui cherchera à acheter un par un les députés des partis ayant gagné les élections. Improbable car Pheu Thai veut gouverner.
- Le parti Pheu Thai se sépare de Move Forward et prend la tête de la coalition gouvernementale élargie aux partis pro-armée.
Il a confirmé que les 8 partis pourraient demander à Move Forward de faire des compromis sur leur politique sur la loi de lèse-majesté. « C’est le moment où le bien du peuple et du pays doit prévaloir », a-t-il ajouté.
Si Palang Pracharath entrait au gouvernement, les partis Pheu Thai voire Move Forward s’il fait partie de la coalition, perdront beaucoup en termes de capital politique car ils s’étaient engagés clairement pendant la campagne électorale à ne pas faire affaire avec des partis liés au coup d’État militaire de 2014 et au gouvernement actuel de Général Prayut Chan Ocha. On imagine que Prawit a fait valoir qu’il avait les sénateurs dans sa poche.
C’est ainsi que certains Pheu Thai suggèrent maintenant ouvertement qu’un nouveau partenariat de coalition sera formé dans la semaine à venir sans le parti Move Forward.
Au moins deux manifestations contre le sénat nommé par la junte sont prévues ce vendredi à Bangkok. L’une aura lieu à l’Université de Kasetsart à 17h00.
Une autre manifestation est prévue au Bangkok Art & Culture Center à 19h.
Les Talugaz ont également appelé à une manifestation à l’intersection d’Asok dimanche à 19 heures.
Le degré de colère de la population largement mentionné par les médias occidentaux est difficile à quantifier. Là aussi, on peut dégager trois scénarios.
La majorité des Thaïlandais se désintéressent de ces magouilles politiques.
Les Thaïlandais sont très remontés contre le régime qui ne tient pas compte du résultat des élections mais ne bougeront pas.
Les Thaïlandais, excédés, ne laisseront pas passer cette énième humiliation.
Le Premier ministre sortant, le général Prayut Chan-o-cha, a appelé au calme jeudi 20 juillet après le rejet définitif par le Parlement de la candidature à sa succession du progressiste Pita Limjaroenrat, vainqueur des dernières élections dont le programme est jugé trop radical vis-à-vis de la monarchie et l’armée.
Chan-o-cha se comporte comme un pompier pyromane puisque c’est lui qui a fomenté un coup d’état puis fait écrire une constitution donnant plus de pouvoir à l’armée qu’au peuple et qui a donc fracturé la nation et l’a poussé dans l’impasse.
