
La nouvelle « prohibition » est entrée en vigueur samedi, c’est-à-dire au plus mauvais moment.
Alors que la haute saison touristique bat son plein, la Thaïlande semble saboter ses propres ambitions économiques avec une politique de contrôle de l’alcool jugée excessive, confuse et contre-productive. Entrée en vigueur le 8 novembre 2025, la nouvelle loi sur les boissons alcoolisées impose des restrictions drastiques sur les horaires de consommation, tout en transférant la responsabilité des infractions aux clients eux-mêmes. Résultat : inquiétude généralisée dans les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie et du tourisme.
Par exemple, si quelqu’un commande une bière à 13h45 ou à 23h45, il doit absolument l’avoir terminée avant 14h ou minuit. Sinon, il risque une amende de 10 000 bahts. Avant, pendant les heures interdites, on ne pouvait pas acheter d’alcool. Maintenant, on ne peut même plus finir ce qu’on avait déjà acheté.
Les amendes peuvent atteindre 10 000 bahts pour quiconque consomme de l’alcool entre 14h et 17h ou entre minuit et 11h, même s’il ne reste qu’une gorgée dans le verre. Cette sévérité, combinée à l’interdiction de toute publicité impliquant des personnalités publiques, crée un climat d’incertitude qui effraie les touristes et fragilise les professionnels. Sur Khao San Road, haut lieu de la vie nocturne à Bangkok, certains établissements continuent de servir de l’alcool, mais anticipent une chute des ventes.
Des voix s’élèvent pour dénoncer une réforme mal calibrée. Sa-nga Ruangwattanakul, président de l’association des commerçants de Khaosan Road, alerte sur les conséquences pour les visiteurs européens, habitués à consommer l’après-midi et en soirée. Le député Taopiphop Limjittrakorn plaide pour une libéralisation complète, tandis que Chanin Rungtanakiat du Pheu Thai critique le maintien de décrets obsolètes hérités de l’ère militaire.
En parallèle, le projet de taxe touristique, pourtant prêt depuis 2023 et soutenu par le secteur, reste bloqué pour des raisons politiques. Sa mise en place avait été annoncée une fois de plus le mois dernier. Ce dispositif, qui pourrait rapporter plus de 11 milliards de bahts par an, visait à financer les infrastructures et offrir une assurance aux visiteurs. Mais les retards successifs, les changements de gouvernement et les inquiétudes sur la transparence de l’utilisation des fonds ont paralysé sa mise en œuvre.
Ainsi, la Thaïlande se retrouve dans une impasse : d’un côté, elle durcit les règles au risque de décourager les voyageurs ; de l’autre, elle tarde à activer des leviers économiques pourtant consensuels. Dans un contexte de reprise fragile, notamment avec la baisse des arrivées chinoises, cette posture rigide pourrait détourner les touristes vers des destinations plus accueillantes et festives, par exemple, où les habitants ne s’habillent pas en noir. À vouloir moraliser à tout prix, le royaume risque de compromettre son attractivité et de freiner sa propre relance.


