
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a exprimé sa surprise face à des critiques virulentes et inédites formulées par Hun Sen, ancien Premier ministre cambodgien devenu président du Sénat, à l’encontre de la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra et de son père, Thaksin Shinawatra. Cette attaque publique, inhabituelle dans le cadre diplomatique régional, survient dans un contexte de tensions accrues entre les deux pays au sujet d’un différend frontalier ancien.
Lors d’un discours télévisé de plus de trois heures, Hun Sen a reproché à Paetongtarn son attitude jugée irrespectueuse envers lui et son fils, le Premier ministre cambodgien Hun Manet. Il a aussi accusé Thaksin d’avoir feint la maladie pour échapper à une peine de prison. Il a révélé avoir aidé l’ex-Première ministre Yingluck à obtenir un passeport cambodgien pour fuir la Thaïlande. Hun Sen a déclaré ne plus vouloir traiter les questions frontalières avec Paetongtarn, préférant attendre un futur dirigeant thaïlandais, tout en restant favorable à un dialogue bilatéral ou à des recours juridiques internationaux.
Ancien allié de Thaksin, Hun Sen semble désormais adopter une posture de défiance, dénonçant une trahison personnelle et diplomatique. Ses propos agressifs sont de nature à mobiliser la population cambodgienne contre la Thaïlande et à marginaliser son fils, Hun Manet, le Premier ministre.
Hun Sen a affirmé que le Cambodge a le droit de se défendre, déclarant que bien que petit, le pays possède des capacités militaires capables de frapper Bangkok, mais qu’il n’a pas l’intention de les utiliser. Il a réitéré l’engagement du Cambodge en faveur d’une résolution pacifique du conflit frontalier avec la Thaïlande et proposé de transformer les zones de tension en espaces de coopération. Il a également averti que toute hostilité serait suivie de représailles.
Les tensions se sont accentuées après la fuite d’un enregistrement d’un appel entre Paetongtarn et Hun Sen, dans lequel la Première ministre thaïlandaise apparaissait conciliante envers son interlocuteur tout en critiquant un commandant militaire thaïlandais. Cet épisode a suivi un affrontement à la frontière au cours duquel un soldat cambodgien a été tué, ravivant les différends sur la démarcation territoriale.
Face à cette escalade, la Thaïlande, bien que troublée par la virulence des propos de Hun Sen, réaffirme sa volonté de résoudre les différends par la voie diplomatique. Le porte-parole du ministère thaïlandais, Nikorndej Balankura, a insisté sur l’importance de maintenir le dialogue et a annoncé des démarches pour organiser une rencontre rapide entre les chefs des diplomaties des deux pays.
Les déclarations outrancières de Hun Sen alimentent l’inquiétude et la perplexité. Face à cette escalade verbale, certains observateurs s’interrogent sur les véritables motivations de l’ex-homme fort du Cambodge.
Si certains n’excluent pas une dérive personnelle, voire des troubles liés à l’âge et à une longévité politique exceptionnelle, deux autres hypothèses circulent avec insistance dans les milieux diplomatiques et médiatiques.
La première met en lumière les intérêts économiques supposés de Hun Sen dans les casinos de la région frontalière de Poipet. D’après cette théorie, la possible légalisation des jeux d’argent en Thaïlande par le gouvernement Pheu Thai pourrait menacer l’attractivité des établissements cambodgiens, entraînant une perte de revenus significative pour les cercles de pouvoir à Phnom Penh. Dans cette logique, les attaques répétées contre le clan Shinawatra seraient perçues comme une stratégie visant à déstabiliser le parti au pouvoir et à préserver un monopole régional sur l’industrie du jeu.
La seconde théorie prend racine du côté thaïlandais. Elle évoque la résurgence d’un nationalisme actif, instrumentalisé par certaines forces conservatrices pour marginaliser définitivement les Shinawatra de la scène politique.