« Bung » Netiporn Sanesangkhom, une militante politique de 28 ans souhaitait une réforme de la monarchie au sein du groupe « Talu Wan » (qui signifie « percée vers le palais »), est décédée peu avant midi le 14 mai à l’hôpital universitaire de Thammasat, Pathum Thani après avoir été transférée depuis la prison suite à un arrêt cardiaque soudain.
Les médecins de l’hôpital de la prison et de l’hôpital de Thammasat ont fait de leur mieux pour ressusciter la patiente entre 6h20 et 11h22. Son corps n’a pas répondu au traitement et elle est décédée à 11h22. Le Département des services correctionnels a présenté ses condoléances aux proches de la défunte et a publié une déclaration.
« Après que l’hôpital de la prison a reçu Mme Netiporn de retour de l’hôpital de Thammasat le 4 avril 2024, Mme Netiporn a recommencé à manger et à boire. Les médecins et les infirmières lui ont prodigué des soins attentifs et continus, mais elle présentait toujours une légère faiblesse et un gonflement des jambes. Les analyses de sang ont montré une légère anémie et de faibles taux d’électrolytes, mais Mme Netiporn a refusé de prendre des électrolytes et des vitamines, ce qui a entraîné les symptômes susmentionnés et sa mort aujourd’hui », indique le long communiqué qui, par ailleurs, se contredit puisqu’on ne comprend quand Bung faisait une grève de la fin et quand elle n’en faisait pas.
La grève de la faim la plus récente de Bung a eu lieu alors qu’elle était détenue pour crime de lèse majesté, également connue sous le nom d’article 112. Elle avait mené un sondage dans une station de BTS sur les désagréments causés au public par les cortèges royaux le 8 février 2022. Elle était également poursuivie pour outrage au tribunal.
En 2022, Bung avait déjà entamé une grève de la faim aux côtés de Mme Nattanich Duangmusit, ou Baipor, une autre militante, pendant 64 jours avant d’être libérée sous caution le 4 août 2022.
Elle a été de nouveau détenue le 26 janvier 2024, après que le tribunal pénal du sud de Bangkok a révoqué sa libération sous caution et l’a condamnée à un mois de prison pour outrage au tribunal. Après avoir entendu les sentences, Bung n’a pas demandé de libération sous caution et a été envoyée à la prison pour femmes dans la soirée du 26 janvier.
Elle a entamé une grève de la faim le lendemain pour exiger une réforme du système judiciaire et pour que plus personne ne soit plus emprisonné pour ses idées.
L’article 112, est considérée comme un outil politique qui permet de cibler des individus et de les condamner lourdement. La loi stipule : Quiconque diffame, insulte ou menace le roi, la reine, l’héritier du trône ou le régent sera puni d’une peine d’emprisonnement de trois à quinze ans. Comme il y a une condamnation par cas, les intéressés risquent 15 ans à chaque message ou discours. Certains Thaïlandais sont condamnés à plus de 40 ans de prison pour crime de lèse majesté.
Bung avait accordé une interview à BBC Thai en 2022, déclarant qu’elle avait grandi dans une famille de juristes. Son père était juge et sa sœur aînée était avocate. Elle était une étudiante brillante avec d’excellents résultats et participait aux activités parascolaires.
Lorsque Bung étudiait à l’école Triam Udom Suksa Nomklao, elle était membre du comité étudiant. Elle a ensuite étudié à l’Université Kasetsart (faculté d’administration), tout en travaillant également comme tutrice d’anglais.
Lorsque Bung était au lycée, elle a participé aux manifestations du PDRC en 2014 pour évincer le gouvernement démocratiquement élu de Yingluck Shinawatra. Cependant, ses opinions politiques (donc à l’époque pro-régime militaire) ont changé au fur et à mesure qu’elle cherchait à comprendre, notamment lorsqu’elle a appris que l’une des 99 personnes décédées lors du massacre des Chemises rouges en 2010 était un sans-abri abattu par un tireur isolé ( sans doute un soldat).
Se sentant politiquement coupable, Bung a changé et s’est concentrée sur les questions d’éducation en 2020. Elle estimait que le système éducatif thaïlandais était dépassé à bien des égards. Elle a d’abord défendu le droit des étudiants à se coiffer comme ils le veulent puis les droits des étudiants LGBT+.
À partir de ce moment-là, elle a soutenu le groupe de réformateurs Talu Wang. Elle a ensuite aidé « Yok », l’adolescente de 15 ans, la plus jeune poursuivie en vertu de l’article 112, afin de lui permettre de retourner dans son école
L’activisme de Bung et Yok a souvent été critiqué comme étant agressif, voire hystérique. En outre, une jeune fille qui a fui à l’étranger a posté un message disant que lorsqu’elle avait 16 ans, elle avait été manipulée par Bung tout comme Yok.
Cependant, Yok a insisté sur le fait qu’elle n’avait jamais été manipulée par Bung avant d’annoncer qu’elle mettait fin à son activisme politique le 23 mars 2024 (Bung était emprisonnée à ce moment-là). Bung a rédigé un testament daté du 2 février 2024, léguant ses très modestes biens à Yok.
TROIS DÉTENUS accusés de lèse-majesté seraient toujours en grève de la faim en prison. Ils font partie des 41 militants politiques actuellement détenus pour crime de lèse-majesté.
L’ancienne députée Kannika Wannish, aujourd’hui membre du Progressive Movement, a posté sur sa page X un message pour demander si les Thaïlandais comprendraient un jour que personne ne devrait être détenu ou mourir simplement parce qu’il pense autrement que le régime.
Maintenant les observateurs se demandent si la mort de Bung ne va pas compromettre le souhait de la Thailande de postuler au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. D’ailleurs, Les Nations Unies se sont déclarées « profondément troublées » par la nouvelle de ce décès en détention provisoire pour crime de lèse-majesté.
Les ambassadeurs de Belgique, du Danemark, de l’UE, d’Allemagne, des Pays-Bas, des États-Unis et de Suède ont tous exprimé leurs condoléances à la famille, aux amis et aux proches de Bung Thaluwang, décédé.
L’ambassadeur allemand Ernst Reichel a exprimé le souhait que les désaccords politiques n’entraînent pas des conséquences aussi extrêmes.
Différentes veillée avec des bougies en souvenir de Bung Thaluwang ont eu lieu hier dont l’une au tribunal pénal de Ratchada.
A l’inverse, dans une Thaïlande profondément divisée, certains internautes ont utilisé des émojis rigolards pour se réjouir de l’annonce de la mort de Netiporn « Bung » Thaluwang.