Le parti populiste thaïlandais Pheu Thai a annoncé lundi qu’il formerait une coalition avec un parti de l’administration sortante soutenue par l’armée pour tenter de mettre fin à près de trois mois d’impasse politique après que le parti progressiste qui a remporté les élections nationales a été exclu de la formation du nouveau gouvernement pour complaire à l’élite conservatrice.
Le Pheu Thai, le 2e plus grand parti du pays a déclaré mercredi que Move Forward (1er) avait été exclu de la coalition parce que son projet de réforme de la loi « lèse majesté » ne permettait pas de rallier suffisamment de soutien.
Le Pheu Thai a déclaré lundi qu’il tenterait de former un gouvernement avec le parti Bhumjaithai, qui a terminé troisième des élections avec 71 sièges à la chambre basse. Avec les 141 sièges du Pheu Thai, les deux partis détiennent 212 sièges. C’est donc, à date, un gouvernement minoritaire (251).
Bhumjaithai, qui est connu pour son oportunisme, faisait partie du gouvernement de coalition sortant, soutenu par l’armée, du putschiste Prayuth Chan-ocha. Le chef de Bhumjaithai, Anutin Charnvirakul, est vice-Premier ministre et ministre de la Santé publique dans l’administration de Prayuth.
L’héritage le plus important d’Anutin en tant que ministre de la Santé est le retrait de la marijuana de la liste des stupéfiants, entraînant une explosion de magasins vendant du cannabis dans tout le pays.
Anutin a déclaré lundi lors d’une conférence de presse avec Pheu Thai que Bhumjaithai avait accepté de rejoindre la coalition à condition que la loi lèse majesté ne soit pas modifiée et que Move Forward en soit exclu.
Chonlanan Srikaew, chef du Pheu Thai, a déclaré que les deux partis en inviteront d’autres cette semaine pour former un gouvernement majoritaire.
« Nous avons besoin de soutien de toutes parts car les problèmes auxquels le pays et le peuple sont actuellement confrontés sont graves. Plus le retard est long, plus il causera de dégâts », a lu Chonlanan.
Chonlanan a déclaré qu’un gouvernement dirigé par le Pheu Thai proposera un nouveau projet de constitution parce que l’actuelle promulguée après le coup d’État militaire de 2014 est le principal facteur à l’origine de la crise politique actuelle et une raison pour laquelle la coalition avec Move Forward a échoué.
Le Pheu Thai est le dernier d’une série de partis affiliés à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, un populiste milliardaire qui a été évincé lors d’un coup d’État militaire en 2006.
Bhumjaithai dirigé de facto par Newin et Pheu Thai dirigé de facto par Thaksin se connaissent très bien. Le clan Newin était une faction du parti de Thaksin entre 2000 et 2008. Date à laquelle le régime a fomenté un coup d’état parlementaire. Il a « convaincu » le clan Newin de passer de Thaksin au parti démocrate. Abhisit est devenu premier ministre mais personne n’était dupe, il n’y avait rien de démocratique dans la manœuvre du régime et de Newin. Cela a logiquement entraîné de grandes manifestations de chemises rouges pro-Thaksin en 2009 puis encore plus en 2010. Cette année-là, Abhisit a ordonné au chef de l’armée un certain Prayut de faire tirer sur la foule. 90 personnes sont morte en tout.
Bumjaithai a juré de se trouver toujours du côté du manche. Anutin l’a avoué. Donc avec Thaksin jusqu’en 2008 puis avec l’armée depuis. Et maintenant, retour au bercail, Thaksin. Bien sûr, une attitude aussi cynique déplaît aux jeunes Thaïlandais.
UN GROUPE de manifestants a tenté de prendre d’assaut le siège du parti Pheu Thai le 7 août au moment même où les dirigeants de ce parti et de Bhumjaithai annonçaient leur coalition, après quoi ils ont bloqué les portes pour les empêcher de partir, a déclaré le journal Thai Rath.
Les manifestants « Thalu Wang » ont atteint le siège de Pheu Thai à 17 h, où ils ont pulvérisé une solution d’alcool, clin d’œil à la pandémie de Covid-19 et à Anutin, ministre de la Santé dont l’action en matière de vaccins, en 2021, laisse dubitatif.
Les manifestants se sont affrontés avec les gardes de sécurité du Pheu Thai quand ils ont essayé de briser la clôture métallique pour entrer dans le bâtiment mais ont été repoussés.
Les manifestants ont alors bloqué toutes les issues de cet immeuble ainsi que l’immeuble adjacent pour empêcher les dirigeants des deux partis de partir.
On ne sait pas si cette action est ponctuelle ou si elle préfigure des manifestations plus importantes de citoyens qui se sentent floués par la formation d’un gouvernement qui ne représente pas la volonté des urnes.
Le dirigeant du Pheu Thai, Cholnan Srikaew, a déclaré « Les 212 voix de Pheu Thai et de Bhumjaithai seront la base de la formation du gouvernement, et il y en aura d’autres pour fournir un soutien majoritaire à la Chambre.
« Le soutien au candidat de notre parti au poste de premier ministre peut provenir de tous les partis, même d’individuels de n’importe quel parti », a-t-il déclaré.
« Au milieu d’un conflit dans la société, nous demandons des votes de tous les partis pour soutenir le candidat du Pheu Thai au poste de Premier ministre », a-t-il déclaré. Il a confirmé que Srettha Thavisin restait le candidat de Pheu Thai.
Il confirme le conflit dans la société qui dure depuis près de 20 ans et le coup d’état de 2006. A l’époque le clan Thaksin était du côté des victimes.
Le Dr Cholnan a poursuivi en disant que le nouveau gouvernement intensifierait ses efforts pour revitaliser l’économie et restaurer la démocratie et l’unité populaire. On ne sait pas comment un gouvernement qui ne représente pas le corps électoral peut « relativiser la démocratie » ou l’unité.
La modification de la constitution est une autre priorité, et lorsque le nouveau gouvernement sera formé, la première réunion du cabinet poussera à la tenue d’un référendum sur la rédaction d’une nouvelle constitution, a-t-il déclaré.
Lorsqu’on lui a demandé si les soi-disant partis des « oncles » putschistes seraient également invités à rejoindre la coalition dirigée par le Pheu Thai, le Dr Cholnan est resté évasif. On devine que les députés de ces deux partis pro-armées sont les bienvenus s’ils votent Srettha comme premier ministre. Obtenir un poste de ministre pour ces députés sera plus difficile.
Prayut ne cherche pas à revenir en politique. Reste donc Prawit, lui octroyer un poste serait de la pure provocation. Octroyer un poste à son frère serait la preuve de la trahison de Pheu Thai qui fera donc tout pour l’éviter.
Tous les analystes se gaussent de cet accord qui pourrait ne pas durer longtemps. Ils se demandent si cette alliance vaut la perte de son identité et la fâcherie inévitable avec les forces démocratiques, majoritaires dans le pays.
