Le gouvernement intérimaire thaïlandais a accueilli dimanche le ministre des Affaires étrangères de la junte au pouvoir au Myanmar lors de pourparlers de paix régionaux informels, les principaux homologues d’Asie du Sud-Est sont restés à l’écart de la réunion qui a suscité de vives critiques.
Seul le Cambodge a jusqu’à présent officiellement confirmé son intention d’assister aux pourparlers.
Mais la Thaïlande, dont le Premier ministre lui-même a pris le pouvoir pour la première fois lors d’un coup d’État militaire, a invité le ministre des Affaires étrangères nommé par la junte du Myanmar, Than Swe.
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a été discret sur les personnes qui assistaient à la réunion de deux jours dans la station balnéaire de Pattaya, pour lequel le ministre des Affaires étrangères sortant Don Pramudwinai a envoyé des lettres d’invitation quatre jours seulement avant son début.
Don a déclaré dimanche au média local Matichon que l’initiative non officielle était destinée à compléter, et non à remplacer, les efforts menés par l’ASEAN et que les membres étaient libres d’y assister ou non. Dans l’état actuel des choses, cette initiative ne complète ni ne remplace rien, elle torpille simplement les efforts de l’ASEAN depuis deux ans.
Les diplomates de la plupart des pays du monde se sont demandé pourquoi la Thaïlande avait convoqué les pourparlers maintenant, alors qu’elle devrait avoir un nouveau gouvernement en août après que la coalition pro-militaire a été battue aux élections du 16 mai par des partis progressistes et populistes.
Le gouvernement d’unité nationale d’opposition du Myanmar, composé de fidèles à l’administration renversée de Suu Kyi, a condamné l’initiative thaïlandaise.
« Inviter la junte illégitime à cette discussion ne contribuera pas à la résolution de la crise politique du Myanmar », a-t-il déclaré samedi dans un communiqué.
Le ministre des Affaires étrangères de Singapour, Vivian Balakrishnan, en visite vendredi à Washington, a jugé qu’il serait « prématuré » que les pays de l’Asean reprennent des discussions à haut niveau avec la junte birmane.
« Nous pensons qu’il serait prématuré de reprendre les discussions avec la junte au niveau d’un sommet ou même au niveau des ministres des Affaires étrangères », a déclaré M. Balakrishnan, interrogé sur des informations de presse faisant état d’une proposition de la Thaïlande en ce sens.
La Birmanie reste membre de ce groupe de dix pays, mais est exclue des réunions de haut niveau.
Le ministre singapourien a rappelé que les pays de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) avaient condamné le coup d’Etat en Birmanie et les violences qui ont suivi.
« Malheureusement, cela fait maintenant plus de deux ans. Nous n’avons constaté aucun signe d’amélioration », a-t-il souligné.
Les militaires birmans ont repris le pouvoir lors d’un putsch en 2021 après avoir démis le gouvernement démocratique d’Aung San Suu Kyi, puis procédé à une répression qui a fait des milliers de morts.
M. Balakrishnan s’exprimait lors d’une conférence de presse conjointe avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui l’avait reçu peu auparavant.
« Il faudra bien, au bout du compte, que tout le monde s’asseoie et négocie », a-t-il cependant affirmé.
« Je ne sais pas combien de temps il faudra. La dernière fois, il a fallu attendre 25 ans avant que ne se produise une forme de transition démocratique en Birmanie ».
M. Blinken a, lui, insisté sur le soutien des Etats-Unis aux efforts de l’Asean et estimé « très important que nous continuions, tous ensemble, à maintenir une pression appropriée sur la junte ».
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a proposé dans un récent courrier d’accueillir dimanche et lundi une réunion ministérielle informelle de quelques membres de l’Asean avec la Birmanie pour relancer le dialogue.
« Il est temps pour l’Asean de réintégrer totalement la Birmanie au niveau des dirigeants », selon cette lettre, vue par l’AFP.
La Malaisie n’a toutefois pas l’intention de participer à ce dialogue, d’après un responsable régional s’exprimant sous condition d’anonymat.
« La Thaïlande cherche probablement à vérifier s’il existe la moindre possibilité de réinviter les dirigeants birmans à des réunions à haut niveau de l’Asean afin de discuter directement avec eux », a estimé ce responsable.
« Ils essaient de convaincre d’autres pays membres de l’Asean d’accepter d’une certaine manière que la Birmanie participe aux réunions à venir (de l’Asean) », a-t-il indiqué, ajoutant que cette proposition de réunion n’était pas « une plate-forme commune acceptée par les pays de l’Asean ».
Le ministre des Affaires étrangères du Cambodge a en revanche accepté l’invitation et participera à Bangkok à la réunion proposée par la Thaïlande, selon un communiqué du gouvernement cambodgien.
La rencontre se concentrera sur les moyens de faire avancer le plan de paix en cinq points accepté par la Birmanie il y a deux ans, selon le ministère thaïlandais des Affaires étrangères.
Le dernier sommet de l’Asean, qui a eu lieu en mai, s’était conclu sans « réel progrès » sur ce plan de paix, selon le président indonésien Joko Widodo.
Un porte-parole de la junte au pouvoir en Birmanie n’a pas répondu aux demandes de commentaires de l’AFP.
