
La Cour constitutionnelle a statué par 5 voix contre 4 que Srettha Thavisin devait être démis de ses fonctions de Premier ministre pour violation éthique lors de la nomination d’un ministre. Srettha a nommé ministre Pichit Chuenban, un avocat qui travaillait pour Thaksin Shinawatra et qui, à ce titre, avait tenté de corrompre un tribunal en 2008. Il avait été condamné et avait purgé sa peine. C’est Thaksin qui a largement forcé la main à Srettha pour nommer Phichit. Srettha, sachant que c’était une bêtise, avait déjà retoqué Pichit quelques mois plus tôt. Thaksin est donc clairement à l’origine de tout ce pataquès. On peut d’ailleurs se demander si les juges n’ont pas voulu atteindre un Thaksin trop envahissant.
Un groupe de sénateurs alignés sur l’ancien vice-Premier ministre / putschiste et actuel chef du parti Palang Pracharath, Prawit Wongsuwan a porté l’affaire devant la justice.
Magnat de l’immobilier et novice en politique, le premier ministre Srettha en un an a tenté de stimuler les investissements étrangers et le tourisme. La manne de 10 000 bahts par personne risque de ne jamais voir le jour de même que les initiatives pour moderniser le pays comme « Ignite Thailand ». Srettha n’a jamais été considéré comme un homme politique mais, peut-être à cause de cela, il était de bonne foi et de bonne volonté malgré tous ces échecs.
Le premier vice-Premier ministre Phumtham Wechayachai pourrait devenir premier ministre par intérim. Phumtham est une figure influente du Pheu Thai, mais il n’est pas éligible au poste de Premier ministre. Ce sont tous les ministres qui perdent leur poste mais tous, sauf Srettha, peuvent être nommés à nouveau.
La question de savoir si Pheu Thai pourra ou non conserver le poste de Premier ministre reste ouverte. Selon la constitution de 2017, le parlement thaïlandais ne peut choisir que parmi une liste de candidats au poste de Premier ministre qui ont été présentés lors des élections de 2023. Il s’agit de Paethongtharn Shinawatra et Chaikasem Nitisiri pour Pheu Thai, Anutin Charnvirakul pour Bhumjaithai, Prawit Wongsuwan pour Palang Pracharath, Prayut Chan-o-cha et Pirapan Salirathvibagha pour le Parti de la nation, et Jurin Laksanawisit des démocrates. Pour mémoire aucun de ces partis n’a gagné les élections.
Chaikasem serait en mauvaise santé. Prayut est désormais conseiller privé du roi. Jurin, est dans l’opposition. Cela laisse Paethongtharn, Anutin, Prawit et Pirapan.
D’aucuns pensent que Paethongtharn ne veut pas du poste maintenant mais les mêmes étaient persuadés que Srettha resteraient en place. Le parti de Pirapan dispose de trop peu de voix pour qu’il soit un candidat convaincant. Prawit, dont les amis sont à l’origine du drame actuel, souhaiterait devenir Premier ministre, mais ses chances sont minces et il est aussi âgé qu’impotent. Compte tenu des tensions entre lui et Thaksin, il semble improbable que Pheu Thai accepte un gouvernement Prawit.
On a vu Anutin et Thaksin copiner lors de leur récente partie de golf… Un accord sur le green ? Anutin ne représente rien dans le paysage politique thaïlandais, il est même détesté par certains, méprisé par d’autres mais il fait tout pour s’affirmer proche du régime. Or quelqu’un adoubé aussi bien par Thaksin que par l’armée et avec des idées rétrogrades à souhait possède un profil intéressant.
La coalition tiendra certainement le coup – rares sont ceux qui prédisent une dissolution du Parlement dans un avenir proche, étant donné que le Parti populaire, successeur de Move Forward, pourrait rafler la mise. Si Anutin devient Premier ministre, c’est un gouvernement de type Prayut pro-armée qui revient en force. Pheu Thai quasi marginalisé, les élections de 2023 seraient totalement effacées, ce n’est pas pour déplaire au régime. Seule la nomination de Paethongtharn, malgré son « papa gênant », pourrait éviter ce grave retour en arrière et une nouvelle disparition de la Thaïlande sur la scène internationale.
M. Srettha a déclaré aux journalistes au siège du gouvernement qu’il respectait la décision du tribunal, même si ce n’était pas ce qu’il avait espéré. « Je n’ai plus aucune autorité », a-t-il déclaré. « L’autorité appartient désormais au Premier ministre par intérim. » La future administration s’occupera des politiques clés du gouvernement, notamment le programme de portefeuille numérique de 10 000 bahts et l’initiative du « pont » Ranong – Chumphon selon Srettha. Il a souligné que depuis son entrée en fonction, il s’est efforcé de respecter la loi et d’exercer ses fonctions de Premier ministre avec intégrité.
Pour le Grand Journaliste Pravit Rojanaphruk Tout cela (la dissolution du MFP et l’affaire Srettha) laisse de nombreux Thaïlandais frustrés et perplexes. Un nombre croissant de Thaïlandais se demandent si les tribunaux (que l’on dit aux ordres) ont désormais trop de pouvoir. Ils interpréteraient la Constitution à leur guise au détriment de la volonté du peuple.
Saksith Saiyasombut, autre Grand Journaliste, à CNA, lui, écrit « Je déteste vraiment l’expression « accident politique » qui est souvent utilisée en Thaïlande. Non, ce n’est pas ça du tout ! Ce qui s’est passé en Thaïlande aujourd’hui, la semaine dernière et les années précédentes sont des désastres politiques causés par la main de l’homme ! » On ne sait pas s’il fait référence à Prayut qui, avec cette constitution que tout le monde s’accorde à trouver ridicule, a plongé le pays dans la pire pagaille. Ou à d’autres hommes.
Selon les bruits de couloir, l’élection du 31e Premier ministre pourrait avoir lieu le 16 août. Le président de la Chambre, Wan Muhamad Noor Matha, n’a pas confirmé.
Pour mémoire, voici la liste de 5 premiers ministres de la mouvance Thaksin dont le régime s’est débarrassé. Thaksin coup d’état en 2006, Samak Sundaravej: jugement de la cour en 2008, Somchai Wongsawat: dissolution du parti en 2008, Yingluck Shinawatra, coup d’état en 2014, Thavisin, jugement de la cour en 2024.