
La Cour constitutionnelle de Thaïlande a annoncé mardi la suspension de Paetongtarn Shinawatra de ses fonctions de Première ministre, dans l’attente de l’examen d’une affaire liée à une conversation téléphonique controversée avec le président du Sénat cambodgien, Hun Sen. Les neuf juges ont accepté à l’unanimité la pétition déposée par 36 sénateurs, et prononcé cette suspension par sept voix contre deux. La décision finale sera prise plus tard.
L’enregistrement audio à l’origine de la procédure laisse entendre Mme Paetongtarn qualifier le commandant de la 2e région militaire d’« adversaire » et adopter une posture jugée conciliante envers Hun Sen. Cette attitude, selon ses détracteurs, refléterait un manque de discernement dans la gestion des tensions frontalières entre la Thaïlande et le Cambodge, notamment sur les quatre zones disputées que la 2e armée est chargée de surveiller. Elle est ainsi accusée d’un déficit d’intégrité, en violation des articles 160 (4) et (5) de la Constitution, et d’une conduite contraire aux normes éthiques.
Selon la déclaration du tribunal, Paetongtarn a admis que la conversation était authentique mais a affirmé qu’il s’agissait d’un échange diplomatique privé visant à apaiser les tensions et à protéger la souveraineté de la Thaïlande.
Malgré cette suspension, Paetongtarn conserve un siège au sein du gouvernement : le décret royal publié le matin même lui confie le portefeuille de la Culture, officialisé la veille lors de l’annonce du nouveau cabinet. C’est le vice-Premier ministre et ministre des Transports, Suriya Jungrungreangkit, qui assure l’intérim du poste de Premier ministre. Il exercera toutes les prérogatives du chef de gouvernement, y compris la gestion des nominations et du budget, et présidera la cérémonie de prestation de serment prévue le 3 juillet.
Phumtham Wechayachai, initialement pressenti pour prendre le relais, doit patienter : sa nomination comme ministre de l’Intérieur ne sera effective qu’après la cérémonie officielle. Paetongtarn, quant à elle, endossera formellement son rôle de ministre de la Culture à cette même occasion.
Dans ce contexte tendu, le journaliste Pravit Rojanaphruk s’interroge : sommes-nous face à un bras de fer institutionnel, une rupture de l’équilibre des pouvoirs ou les prémices d’un coup d’État judiciaire ? Une chose est sûre : avec un score de 7 juges contre 2 qui se sont prononcés pour la suspension, la probabilité d’une destitution définitive apparaît élevée, et les partis de la coalition pourraient bientôt être contraints de faire des choix difficiles. Continuer avec cet attelage fragile ? Dans ce cas, quel candidat au poste de Premier ministre soutenir ?