
Exploitation de terres rares, ici en Birmanie
Le mémorandum signé entre la Thaïlande et les États-Unis sur les terres rares provoque une vive polémique. Pour Phattarapong Leelaphat, député du Parti du peuple, le gouvernement a commis une erreur stratégique majeure.
Le 27 octobre, le parlementaire de Chiang Mai a dénoncé sur sa page officielle un accord « désavantageux dans tous les sens » pour la Thaïlande. Selon lui, ce texte signé par le Premier ministre Anutin Charnvirakul accorde trop de privilèges à Washington, sans garanties environnementales ni bénéfices clairs pour le pays.
« Rien n’obligeait la Thaïlande à signer ce MOU », affirme-t-il. Il pointe l’absence de validation en conseil des ministres et le manque de compétence du Département des industries primaires et des mines (DPIM), incapable d’expliquer les méthodes d’extraction utilisées dans les pays voisins. Le député a dû lui-même détailler le procédé de lixiviation in situ, impliquant l’injection de produits chimiques dans le sol.
Par ailleurs, le gouvernement Anutin n’est en place que pour quatre mois et n’a pas vocation à prendre des décisions qui engagent la Thaïlande sur le long terme.
La lixiviation in situ est un procédé minier qui consiste à dissoudre des minéraux directement dans le sol grâce à une solution injectée par des puits. La solution, introduite dans la couche minéralisée, dissout le minerai (comme l’uranium), puis la solution imprégnée est pompée pour en extraire le métal en surface. Cette méthode n’implique pas d’extraction minière, mais présente un risque de contamination des eaux souterraines.
Dans le Nord, les provinces de Chiang Mai et Chiang Rai sont déjà confrontées à des cas de pollution de l’eau liés à l’exploitation minière. Pourtant, le MOU ne prévoit aucune clause sur l’utilisation de méthodes propres. Pire encore, les importations de minerais ne sont soumises à aucun contrôle sur leur origine ou leur impact environnemental.
Le texte accorde aux États-Unis le droit d’analyser les zones riches en terres rares en Thaïlande, d’être informés en priorité et de bénéficier d’un accès facilité aux permis d’exploitation. Même en cas d’annulation du MOU, les projets déjà engagés devront être menés à terme. Il s’agit clairement d’un hold up.
Le gouvernement se défend. Anutin assure que l’accord est non contraignant, conforme à la loi thaïlandaise et vise à renforcer les relations bilatérales avec les États-Unis. Il évoque des discussions futures sur les tarifs douaniers et la coopération technique.
Le ministère des Affaires étrangères insiste sur les standards ESG élevés des partenaires américains et la neutralité géopolitique de la Thaïlande. Les « standards ESG » font référence aux normes et directives qui évaluent la performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) d’une entreprise. Pourtant, l’administration Trump assume ne pas se soucier de préoccupations environnementales.
Pour Phattarapong, le pays devient un pion dans la guerre des terres rares entre la Chine et les États-Unis. Il appelle à suspendre toute exploitation nationale et à renforcer la législation minière pour protéger l’environnement et la souveraineté du royaume.
Werapong Prapha, vice-président du Parti démocrate, a aussi exprimé de vives inquiétudes sur les réseaux sociaux après la signature surprise du MoU lors du 47e sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur. Selon lui, cet accord place la Thaïlande dans une position désavantageuse face aux États-Unis, notamment en matière d’accès aux ressources stratégiques, comme le tungstène et l’étain, essentiels pour les technologies vertes et les véhicules électriques.
Il estime que le MoU sert avant tout les intérêts américains, en leur garantissant un droit de priorité pour investir dans les ressources thaïlandaises, tout en limitant l’accès de la Chine à ces matériaux. Pour Werapong, cette clause révèle une volonté claire de Washington d’étendre son influence dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des terres rares, au détriment de Pékin.



