
déminage à Ban Nong Chan
Tensions persistantes entre la Thaïlande et le Cambodge : sur le terrain comme dans les coulisses diplomatiques, l’heure est à la prudence avant le sommet de Kuala Lumpur.
Alors que le sommet de l’ASEAN approche à grands pas et que le président américain Donald Trump est attendu à Kuala Lumpur pour assister à la signature d’une déclaration de paix entre la Thaïlande et le Cambodge, la situation reste tendue à plusieurs niveaux. Sur le terrain, les opérations quasi militaires se poursuivent dans un climat de méfiance, tandis que les échanges diplomatiques s’intensifient, parfois sur un ton accusateur.
Le 19 octobre, le commandement de la 1re armée thaïlandaise a reçu un rapport du Burapha Task Force confirmant la découverte de six nouvelles mines antipersonnel dans les zones frontalières de Ban Nong Ya Kaew et Ban Nong Chan. Depuis le 10 octobre, onze engins explosifs ont été détectés, dont trois neutralisés. Une mine reste difficile d’accès, nécessitant une équipe spécialisée. Ces zones sont désormais classées à haut risque, en attente de sécurisation pour un usage civil.
Parallèlement, l’armée thaïlandaise a mis fin à des actions provocatrices menées par des groupes nationalistes, notamment la diffusion de chants patriotiques et de sons effrayants vers le Cambodge. Ces initiatives, jugées contre-productives et potentiellement nuisibles aux relations bilatérales, ont été suspendues après des critiques de défenseurs des droits humains.
Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Sihasak Phuangketkeow, a reconnu que la déclaration bilatérale en préparation reste vague. Elle prévoit une coopération sur quatre axes : retrait des troupes et des armements lourds, déminage, lutte contre les crimes transnationaux et résolution pacifique des différends. Malheureusement, on ne constate aucune avancée sur aucun de ces points. La Thaïlande exige un plan d’action détaillé avant toute signature, prévue lors du sommet de l’ASEAN du 26 au 28 octobre.
Le Cambodge, de son côté, réclame la libération de 18 soldats détenus, mais Bangkok conditionne cette mesure à des avancées concrètes sur les quatre priorités déjà mentionnées. Une réunion du comité frontalier est prévue les 21 et 22 octobre pour finaliser les modalités. Si un accord est trouvé, les ministres de la Défense des deux pays signeront ensuite la déclaration en présence des délégations américaine et malaisienne.
Un sondage NIDA révèle que 44 % des Thaïlandais perdent patience face au conflit, craignant des répercussions économiques, notamment dans les zones frontalières. L’armée bénéficie d’un fort soutien (près de 88 % de satisfaction), tandis que le gouvernement est critiqué pour son manque de clarté et d’action (64 % d’insatisfaction). Les citoyens réclament des mesures fermes pour défendre la souveraineté, voire des pressions économiques sur le Cambodge.
À Genève, la délégation thaïlandaise — surnommée “Team Thailand” — dénonce une campagne d’attaques diplomatiques menée par les représentants cambodgiens dans les forums internationaux. Phnom Penh accuse Bangkok d’avoir déclenché le conflit, d’avoir posé des mines en territoire cambodgien et de retenir des prisonniers de guerre. La Thaïlande affirme respecter les conventions de Genève et se dit prête à répondre point par point lors du débat de l’Union interparlementaire.
À quelques jours du sommet de Kuala Lumpur, la tension reste palpable. Entre les mines à désamorcer, les accusations croisées et les attentes populaires, la signature d’une déclaration de paix ne pourra se faire sans garanties concrètes. Le sommet pourrait marquer un tournant, mais la route vers une normalisation durable reste semée d’embûches.