
Le système de couverture santé universelle thaïlandais, salué depuis plus de vingt ans pour avoir protégé des millions de familles, traverse aujourd’hui une crise financière profonde.
Le système a principalement évité des millions de « faillites médicales ». La « faillite médicale » désigne une situation où une famille se retrouve dans l’incapacité de payer ses frais de santé, au point de devoir s’endetter lourdement, vendre des biens essentiels ou renoncer à des soins — voire tomber dans la pauvreté.
Derrière les chiffres flatteurs, les hôpitaux publics et privés alertent sur des remboursements insuffisants, des déductions rétroactives et des retards de paiement qui menacent leur survie.
L’hôpital de Surat Thani a récemment tiré la sonnette d’alarme : la NHSO (Office national de sécurité sanitaire) a déduit 52 millions de bahts de son compte, ne versant que 161 bahts pour la dernière période. Une somme dérisoire face à des dépenses mensuelles de 170 millions pour les médicaments, les analyses et les fournitures.
Selon le sénateur Veerapun Suvannamai, si rien ne change, de nombreux hôpitaux risquent la faillite d’ici trois ans. Le coût réel d’un patient hospitalisé est estimé à 13 000 bahts, contre un remboursement moyen de 8 350 bahts. Le système de pondération des actes médicaux, ajusté en fin d’année, aggrave les écarts.
Le problème ne vient pas du principe de la couverture universelle, que personne ne souhaite abolir, mais de sa gestion. La docteure Pawinee Eamchan, présidente de l’Association des hôpitaux régionaux, appelle à des réformes urgentes et à une meilleure concertation avec la NHSO avant toute nouvelle politique.
La politique “traitement partout”, qui permet aux titulaires de la carte dorée de se faire soigner dans n’importe quel hôpital, a accentué la pression sur les établissements secondaires et tertiaires. Beaucoup croient à tort que tous les soins sont gratuits, alors que la NHSO ne rembourse que les traitements figurant sur sa liste.
Des propositions émergent : modernisation des outils de calcul via l’intelligence artificielle, réforme des processus de nomination au sein de la NHSO, et meilleure transparence budgétaire. Le Dr Surapong Suebwonglee, architecte du système initial, estime que la technologie actuelle permettrait des remboursements plus justes et moins d’erreurs.
Malgré ses failles, le système reste essentiel : il couvre 47 millions de personnes et a réduit de moitié les cas de « faillite médicale » depuis 2002. Mais sans réforme, ce pilier de la politique sociale thaïlandaise pourrait vaciller.


