Lors d’une interview diffusée mercredi soir, Thaksin Shinawatra a dressé un panorama incisif des turbulences politiques actuelles, des relations diplomatiques tendues avec le Cambodge et des pressions commerciales exercées par Washington. Ses propos, teintés de stratégie et de préoccupations géopolitiques, offrent une lecture fine des rapports de force en Thaïlande et au-delà.
Coalition fragilisée et ambitions personnelles
Selon Thaksin, aucune impasse politique n’existe réellement, mais des figures comme Anutin Charnvirakul — qu’il soupçonne de viser le poste de Premier ministre — en provoqueraient artificiellement. Le départ de Bhumjaithai de la coalition résulterait du refus de soutenir certaines politiques demandées par le Pheu Thai, et non d’une exclusion. Il accuse le parti d’Anutin de manœuvrer avec des sénateurs influents pour affaiblir le gouvernement. Le Pheu Thai chercherait à renforcer sa majorité parlementaire tout en dénonçant la pression juridique exercée par les agences « indépendantes » sur Paetongtarn Shinawatra.
S’agissant des alliances futures, Thaksin rappelle que la politique thaïlandaise ne connaît pas d’ennemis éternels. Si la coalition actuelle reste stable pour l’instant, une dissolution ou un remaniement ne sont pas exclus. En matière de politique, Pheu Thai mise désormais sur la reprise de créances douteuses par les SGA, le développement de l’économie créative, l’enseignement de l’IA et l’investissement en data centers — tandis que le projet de casino est temporairement gelé.
Tensions croissantes avec Hun Sen
Le ton se durcit sur le plan régional : Thaksin dit ne plus considérer Hun Sen comme un “frère” depuis l’enregistrement et la fuite d’une conversation privée avec Paetongtarn. Il accuse le dirigeant cambodgien d’avoir prémédité l’enregistrement et avertit que sa crédibilité est désormais entachée. Il lie cet acte à la frustration de Hun Sen face aux opérations thaïlandaises contre les escroqueries, impliquant son entourage, notamment le groupe Huione.
Washington et l’ombre de Pékin
Enfin, Thaksin évoque les négociations tendues avec les États-Unis, qu’il compare à une entreprise exigeante. Après le rejet d’une première proposition commerciale, la Thaïlande a essuyé l’annonce unilatérale d’une taxe de 36 %. S’il estime encore possible d’aboutir à un compromis, Thaksin avertit que les exigences sécuritaires américaines, notamment celles susceptibles d’irriter Pékin, doivent être traitées avec prudence.
Le fait que les médias écoutent toujours Thaksin comme l’oracle suprême montre une dépendance du royaume envers d’un personnage toujours sur le banc des accusés dans plusieurs affaires. Ainsi, celle concernant son séjour dans un hôpital de luxe en lieu et place d’une cellule de prison. Les médecins complices avaient, dans un premier temps, sanctionnés mais voici qu’ils reçoivent une promotion.
Le Dr Tul Sittisomwong s’oppose à la promotion de deux médecins de la police — Sophonrat Singhacharu et Thaweesilp Wechvitarn — liés au séjour prolongé de Thaksin Shinawatra à l’hôpital général de la police. Bien qu’ils aient été reconnus coupables de manquements à l’éthique par le Conseil médical et soient sous enquête, ils figurent sur la liste de promotions internes pour des postes de haut rang. Aucune sanction disciplinaire n’a été engagée. Les observateurs s’interrogent sur la transparence des nominations dans les hautes sphères policières.
Force est de constater que, grâce à ses causeries, Thaksin prouve qu’il est quasiment le seul homme politique à posséder une vision pour la Thaïlande.
