
Le chef du Mouvement progressiste (ce n’est pas un parti politique), Thanathorn Juangroongruangkit, a annoncé mardi au Parlement qu’il poursuivrait sa campagne, exhortant les citoyens à se porter candidats aux élections sénatoriales, au mépris de l’avertissement de la Commission électorale (CE) selon lequel ces activités politiques sont illégales.
L’ancien chef du parti Future Forward, aujourd’hui dissous par la « justice », prédécesseur du parti Move Forward, a déclaré que sa campagne visait à faire prendre conscience de l’importance de l’élection prochaine de 200 nouveaux sénateurs, pour remplacer l’actuel Sénat nommé par la junte dont le mandat de cinq ans expire le 10 mai.
Il affirme que les retours sur la campagne de sensibilisation sont encourageants, car de plus en plus de personnes souhaitent postuler en tant que candidats indépendants.
Rejetant les allégations selon lesquelles il appartiendrait à un groupe politique ayant un agenda caché pour les élections sénatoriales, Thanathorn a affirmé que l’objectif de sa campagne était d’exhorter les personnes de toutes les nuances politiques à postuler afin que l’élection produise des sénateurs qualifiés qui serviront le l’intérêt public en priorité.
Il a déclaré qu’il souhaitait que la Commission électorale, la Cour constitutionnelle ou la Commission nationale anti-corruption soient neutres. En effet, avec un sénat qui resterait proche de l’armée, les membres de ces institutions nommés par le sénat resteraient « aux ordres de l’armée » comme ce serait le cas actuellement, selon certains observateurs.
Au lieu de le critiquer, Thanathorn a exhorté la CE à soutenir sa campagne, affirmant que le rôle de la CE est d’encourager les citoyens à prendre conscience de l’importance de l’élection.
La CE a menacé de fermer le site Internet d’iLaw, qui offre un espace gratuit aux personnes intéressées à postuler, afin qu’elles puissent s’identifier publiquement et déclarer leurs positions politiques.
La CE a menacé Thanathorn et il pourrait à nouveau se retrouver devant un tribunal.
Thanathorn ne comprend pas pourquoi la CE veut empêcher les gens d’avoir accès aux informations sur les candidats.
La CE a conçu un système d’élections sénatoriales sans précédent, dans lequel seuls les candidats sont autorisés à voter pour les sénateurs, avec trois tours de scrutin, aux niveaux du district, de la province et du pays.
Les candidats doivent appartenir à l’un des 20 groupes professionnels spécifiés. Les représentants des partis et groupes politiques ne sont pas autorisés à postuler. Les candidats ne doivent pas parler de politique. Interdire de parler politique, c’est déjà de la politique.
Cette première élection, ou plutôt sélection, sénatoriale en Thaïlande depuis le coup d’État de 2014 aura lieu, selon un format qui ne permet pas au peuple de participer. De plus, on impose des conditions étranges qui interdisent aux candidats de faire campagne.
C’est la preuve que la constitution, rédigée par le comité nommé par la junte, ne considère pas la démocratie comme un système qui doit impliquer une participation citoyenne et un débat.
M. Sawaeng Boonmee, secrétaire général de la Commission électorale, a précisé le 30 avril que les citoyens ne peuvent accéder aux informations sur les candidats sénateurs que via l’application « Smart Vote » de la CE. Il est strictement interdit aux hommes politiques d’aider des candidats sénateurs.
« Ce sont les pires règles et les élections sénatoriales les plus opaque. Chaque candidat ne peut se présenter aux électeurs qu’en 5 phrases maximum. Pensez à quoi ressemblera l’avenir de la Thaïlande ! » a déclaré l’ancien membre de la commission électorale Somchai Srisutthiyakorn.
L’opinion de Somchai est similaire à celle de beaucoup d’autres qui ont rejoint le lancement de la campagne « Matichon : Nouveaux sénateurs Thaïlande ». Matichon est le plus grand média thaïlandais.
Suwapong Chan-fangphet, de Matichon Weekly déclare : «Cette campagne permettra à chacun d’exprimer ses opinions. Dans toutes les publications du groupe Matichon, nous souhaitons rendre cette élection sénatoriale, que certains tentent de garder très discrète, aussi visible que possible en permettant aux citoyens de s’exprimer.»
Les Universités Chulalongkorn, Thammasat et de Chiang Mai participent à la campagne.
Suwapong déclare que malgré les tentatives visant à supprimer la couverture de ce processus antidémocratique de sélection du Sénat, les médias Matichon l’amplifieront en fournissant une plate-forme de débat public.
Mme Sri Prai Nontrois, syndicaliste à Rangsit, a déclaré lors de ce lancement que les pauvres sont exclus de facto de l’élection. Le simple fait de s’inscrire comme candidat coûte 2 500 bahts, et les électeurs doivent également payer 2 500 bahts. Il s’agit d’un système censitaire ancrée dans une dictature, dit-elle.
Elle soutient qu’exiger des frais d’inscription à la fois des candidats et des électeurs va à l’encontre des principes démocratiques.
M. Yingcheep Atchanont, d’iLaw (Internet pour les lois publiques), a déclaré que tout est fait pour que la nouvelle génération ne puisse pas participer. « Les règles de sélection des sénateurs sont pour le moins étranges. Pourtant, les sénateurs sont extrêmement importants pour la nation. Mais nous savons qu’ils (les ultra-conservateurs) ne veulent pas vraiment que les gens participent. », a déclaré Yingcheep. Il critique les règles alambiquées et antidémocratiques où il faut avoir 40 ans pour participer.
Les candidatures seront reçues le 13 mai, suivies des élections au niveau des districts le 9 juin, au niveau provincial le 16 juin et au niveau national le 26 juin. Les résultats des élections sénatoriales seront connus le 2 juillet.