
Victimes du trafic, ici côté birman
L’ONU a adressé une lettre officielle au gouvernement thaïlandais le 10 mars, exigeant des explications sur son rôle dans la lutte contre la traite des êtres humains liée aux escroqueries en ligne opérant en Asie du Sud-Est. Cette démarche s’inscrit dans une inquiétude croissante face à des réseaux criminels exploitant des milliers de victimes à travers le monde dans des centres d’escroquerie, notamment via la fraude financière, les arnaques sentimentales, les jeux d’argent illégaux ou les investissements fictifs en cryptoactifs. Nombre de victimes, piégées par de fausses promesses d’emploi, se retrouvent enfermées, dépossédées de leurs passeports et contraintes à un travail forcé, sous surveillance constante, avec menaces de violences ou de revente à d’autres réseaux en cas de désobéissance.
L’ONU souligne que la Thaïlande sert souvent de passerelle logistique à ces réseaux, notamment dans les régions frontalières proches de l’État Karen au Myanmar. Elle appelle Bangkok à fournir des réponses sur dix points cruciaux : position du gouvernement face aux allégations, coopération régionale, protection des victimes, prévention de l’usage illicite des ressources thaïlandaises, et formation consulaire. Un point de préoccupation majeure est le traitement pénal de nombreuses victimes comme migrantes illégales plutôt que survivantes de la traite.
Face à cette pression internationale, la Première ministre Paetongtarn Shinawatra a lancé des mesures ciblées contre les réseaux transnationaux, notamment à la frontière cambodgienne. Ces actions incluent la fermeture de certains postes-frontières, l’arrêt des exportations de carburant et des restrictions de voyage vers des zones sensibles, dont Siem Réap. Bangkok envisage également des sanctions financières contre les criminels impliqués, la suspension de certains services Internet, et un contrôle accru des flux bancaires suspectés de financer ces opérations.
L’armée thaïlandaise a fermé plusieurs points de passage vers le Cambodge, ravivant des tensions inédites depuis plus de dix ans. La mesure concerne six provinces, dont le poste-clé d’Aranyaprathet Poipet, affectant à la fois les citoyens et les touristes. Seuls les écoliers et les malades peuvent traverser. Cette fermeture impacte fortement les échanges commerciaux et touristiques entre les deux pays. Aucun calendrier de réouverture n’est prévu, tandis que la situation reste tendue sur le terrain.
La Thaïlande, qui coopère avec les pays voisins et les instances internationales, a déjà mené plusieurs actions en 2025, notamment la coupure des ressources vers des zones du Myanmar soupçonnées d’abriter des centres d’escroquerie, ainsi que le démantèlement conjoint avec le Cambodge d’un centre à Poipet exploitant des centaines de travailleurs étrangers. Cette lutte régionale vise à endiguer un phénomène évalué à plusieurs milliards de dollars, souvent orchestré par des mafieux chinois ayant fui leur pays en 2020. L’ONU insiste sur l’urgence d’une réponse structurée, fondée sur les droits humains et conforme aux engagements internationaux de la Thaïlande.