
Le système éducatif thaïlandais est de nouveau sous les projecteurs après la publication de plusieurs évaluations internationales peu flatteuses. Lors du forum “Beyond Assessment: Driving Educational Change”, organisé à Bangkok, fin août début septembre, experts et responsables ont tiré la sonnette d’alarme : sans réforme profonde, le pays risque de décrocher face à ses voisins asiatiques.
Avec un taux d’alphabétisation de 94,1 %, la Thaïlande reste derrière le Vietnam, la Malaisie ou encore Singapour. Les résultats des élèves thaïlandais aux tests PISA de l’OCDE, qui évaluent les compétences en lecture, mathématiques et sciences, restent en dessous de la moyenne mondiale.
Le professeur Ong-art Naiyapatana, directeur de l’ONESQA, a plaidé pour un changement de paradigme : passer d’un rôle d’évaluateur à celui de “coach accompagnateur”. L’agence mise désormais sur l’assurance qualité externe (EQA) et des rapports d’auto-évaluation (SAR) pour aider les écoles à identifier leurs faiblesses et à progresser avec l’aide d’experts.
Autre point critique : la fracture numérique. Selon le rapport de l’OCDE publié en juillet, seulement 1 % de la population thaïlandaise maîtrise les compétences numériques avancées, alors que le gouvernement vise 70 % d’ici la fin de l’année. Une ambition jugée irréaliste sans investissements ciblés et sans volonté politique.
La vice-ministre de l’Éducation par intérim, Linthiporn Varinwatchararoj, a insisté sur le rôle stratégique de l’évaluation comme levier de transformation des politiques publiques. Elle a salué le lancement de la plateforme automatisée de l’ONESQA, qui permet aux écoles de recevoir des retours en temps réel et de raccourcir les cycles d’évaluation.
Enfin, le professeur Piriya Pholphirul a souligné que les réformes sont plus efficaces dans les pays où la qualité de l’enseignement est élevée et les inégalités faibles, soit l’exact contraire de la situation en Thaïlande. Il appelle à un soutien renforcé pour les établissements en difficulté, afin d’élever les standards de base à l’échelle nationale.
Le forum a mis en lumière une réalité préoccupante : sans réforme ambitieuse, l’éducation thaïlandaise pourrait rester à la traîne dans une région en pleine mutation.
L’arrivée au pouvoir du Bumjaithai inquiète les professionnels. Lorsque ce parti faisait partie de la coalition Pheu Thai, le ministre de l’Éducation était le frère du fondateur du parti, Newin Chidchob. Ancien policier, ce ministre n’a pas sorti l’enseignement de l’ornière.
En novembre 2023, Anutin Charnvirakul, alors ministre de l’Intérieur, affirmait vouloir renforcer l’éducation civique en Thaïlande en réintroduisant des formations axées sur le patriotisme, la religion et la monarchie. Ce programme, soutenu par plusieurs ministères, visait à “rééduquer” les jeunes pour promouvoir la loyauté envers les institutions. Il s’inscrivait dans la continuité des politiques éducatives initiées sous la junte de Prayut Chan-o-cha, et suscitait des critiques quant à son impact sur l’esprit d’initiative des élèves. Il privilégiait la transmission de dogmes plutôt que l’acquisition de savoirs.