
Le Wat Asokaram, estuaire du Chao Phraya, draine des centaines de personnes tous les week-ends.
Selon l’Institut thaïlandais de recherche sur le développement (TDRI), un temple thaïlandais génère en moyenne 3,24 millions de bahts par an, principalement issus de dons. Par exemple, une Kathin, processions à la fin de la saison des pluies, permet de recevoir 1,05 M. En 2019, 41 310 temples étaient recensés. Ce nombre astronomique rend leur surveillance financière d’autant plus complexe.
Outre les dons, les temples reçoivent jusqu’à 4,7 milliards de bahts annuels en subventions publiques, dédiées à la rénovation, à l’enseignement du Dhamma et à la promotion du bouddhisme. Bien que les lois exigent des rapports mensuels, moins de la moitié des temples les soumettent dans les délais, et les normes comptables varient fortement entre établissements.
Certains petits temples isolés voient passer peu d’argent pendant que les plus populaires reçoivent des millions de bahts par mois. Il suffit d’observer, pendant le week-end, l’attitude des centaines ou des milliers de fidèles se précipitant dans les temples dont on assure que la fréquentation porte bonheur pour constater que les sommes en jeu sont colossales. Un temple populaire qui reçoit 2000 personnes par jour pendant 150 jours par an, offrant chacune 10 billets de 20 bahts engrange 60 millions. Ceci compte non tenu de dons particuliers pour construire un bâtiment, d’héritages, de cadeaux liés à des évènements heureux ou à des prières spéciales.
Par ailleurs, nombre de fidèles font des « dons particuliers » à tel ou tel moine qui ne se retrouvent pas toujours dans la caisse commune du temple. L’immense majorité des religieux font preuve d’une intégrité totale, mais se trouvent fort dépourvus devant des sommes qui les dépassent. La plupart les distribuent aux nécessiteux. Certains se contentent d’amasser de l’argent liquide sous leur lit sans penser à mal. D’autres le confient à leur famille proche.
La plupart des temples utilisent des systèmes rudimentaires : livres de caisse sans catégorisation claire ni rapprochements mensuels, exposant la gestion à des dérives. L’absence de mécanismes d’audit indépendant et de transparence publique nourrit les craintes de corruption et de blanchiment d’argent. Bien que plusieurs lois, comme la Sangha Act de 1962 et le règlement SSC de 2014, encadrent les flux financiers, leur mise en œuvre reste entravée par le manque de personnel qualifié et l’autorité centralisée des abbés, seuls maîtres à bord après… Bouddha.
En 2018, les dons aux temples atteignaient 54 milliards de bahts, et en 2014, les dépôts bancaires cumulaient près de 300 milliards. D’autres revenus émergent, tels que les loyers fonciers, et la vente d’amulettes sacrées, dont le marché pèserait plusieurs dizaines de milliards.
Face aux dérives, le TDRI exhorte à la mise en place de normes comptables standardisées, à une divulgation systématique des rapports financiers, et à des audits indépendants. Le scandale récent impliquant sept moines et l’offensive législative pour punir les dérives monastiques renforcent ces appels à restaurer la confiance du public dans les institutions religieuses.
MàJ : Wilawan « Golf » Emsawat, 35 ans, la croqueuse d’abbés, a été arrêtée à son domicile dans un lotissement de luxe à Nonthaburi après que la police a identifié un virement récent de 380 000 bahts en provenance d’un moine important depuis un compte bancaire de son temple. L’un des très nombreux virements que Golf a reçus de la part des religieux.