Séisme politique en Thaïlande. La commission électorale a recommandé, mercredi 12 juillet, la suspension du député réformiste Pita Limjaroenrat, vainqueur des législatives de mai et candidat pour devenir Premier ministre. A 17 heures, la Cour constitutionnelle indique qu’elle accepte de se saisir de cette affaire épineuse, qui plonge le royaume dans l’incertitude.
La commission électorale enquête depuis début juin sur Pita Limjaroenrat, 42 ans, au sujet de quelques actions, héritées de son père, qu’il possédait durant la campagne dans une chaîne de télévision qui n’émet plus depuis 15 ans. Le Code électoral thaïlandais interdit aux candidats de posséder des parts dans des médias d’information. Le parlementaire, qui risque la prison, la perte de son siège et l’inéligibilité durant 20 ans, se défend de toute manœuvre illégale.
Pire ! La Cour constitutionnelle a accepté une requête visant à déterminer si le parti Move Forward et son chef, Pita Limjaroenrat, tentent de renverser le système démocratique avec le Roi comme chef de l’État en s’engageant à modifier la loi de lèse-majesté. Le tribunal a ordonné des explications dans les 15 jours. S’il est reconnu coupable, le parti pourrait être dissous et Pita banni de la politique pour des décennies.
Le régime a donc en main un fusil à deux coups pour éliminer totalement Pita et peut-être le Move Forward comme il l’avait fait en 2019 avec Future Forward et Thanatorn. Ce qui avait déclencher des manifestations massives.
Le parti Move Forward a infligé à la surprise générale un revers cinglant aux militaires au pouvoir depuis quasiment une décennie, avec un programme qui fait écho aux manifestations massives de 2020 pour plus de démocratie. Mais deux mois après sa victoire, Pita Limjaroenrat n’est pas certain de devenir le prochain Premier ministre, en raison de ses ennuis judiciaires et de l’opposition de sénateurs favorables à l’armée qui les a nommés.
Selon Reuters, le rôle de la monarchie en Thaïlande est au cœur d’une impasse imminente qui pourrait faire basculer la deuxième économie d’Asie du Sud-Est dans la crise, les réformateurs, largement majoritaires, souhaitant une fois de plus desserrer l’emprise du régime (palais, armée, conglomérat) minoritaire sur le pays.
L’armée a invoqué pendant des décennies son devoir de défendre la monarchie pour justifier ses coups d’état et a utilisé la loi de lèse-majesté pour étouffer la dissidence, selon les critiques.
L’amendement proposé par Move Forward reflète les changements culturels qui ont balayé en quelques années la Thaïlande, où le monarque a été pendant des décennies considéré comme presque semi-divin.
La Thaïlande change ! Aux élections de 2019, aucun parti n’aurait osé suggérer de modifier la loi de lèse-majesté. Move Forward n’a pas seulement osé, il a remporté le plus de sièges en mai, même si l’amendement n’était qu’un élément d’une plate-forme progressiste.
La Commission électorale a demandé mercredi au tribunal d’ordonner à Pita de cesser immédiatement d’exercer ses fonctions de député.
La décision de la CE intervient un jour avant la séance conjointe de la Chambre et du Sénat pour sélectionner un nouveau Premier ministre pour la Thaïlande.
Dans une réponse rapide à la décision de la CE, le parti Move Forward a accusé la commission de ne pas suivre ses propres règlements et, par conséquent, d’avoir commis des malversations dans le cadre de ses fonctions, conformément à l’article 157 du Code pénal.
Alors que le régime fait feu de tous bois pour empêcher le vainqueur des élections de gouverner, plusieurs groupes pro-MF ont appelé à des rassemblements à travers le pays, Bangkok, Chiang Mai, Korat, Surin, Lampang, Ayutthaya, etc. . Le régime n’attend que cela pour fomenter un nouveau coup d’état maintenant que Prayut (qui est resté 9 ans au pouvoir après son propre coup d’état) a laissé la place.
Concernant les élections de demain l’élection de demain, même très affaibli, Pita semble pouvoir se présenter au poste de premier ministre. Il sera sans doute le seul candidat mais ne sera pas élu car les sénateurs, surtout après les scandales de ce mercredi, ne voteront pas pour lui et il n’atteindra pas les 376 voix.
Le seul qui pourrait se présenter contre lui et l’emporter est Prawit mais Le député du Parti Palang Pracharath (PPRP), Thammanat Prompao, a déclaré que le parti ne nommerait pas le général Prawit Wongsuwan, au poste de Premier ministre dans un gouvernement minoritaire.
Le parti a obtenu 40 sièges de député sur un total de 500, même avec les autres députés pro-armée, il reste minoritaire.
Dans le cas où le chef du parti Move Forward (MFP), Pita Limjaroenrat, ne recueillerait pas suffisamment de voix, Thammanat a ajouté que le parti Pheu Thai, en tant que deuxième parti, devrait avoir la possibilité de former le gouvernement. Il a en outre déclaré que Pita ne devrait se voir accorder qu’un seul tour de scrutin. De toute façon, dans les jours à venir, Pita peut être exclu de la vie politique voire emprisonné.
Interrogé sur la possibilité que le PPRP rejoigne une coalition dirigée par le Pheu Thai en l’absence du MFP, Thammanat a expliqué que le parti tiendrait une réunion pour en discuter. Il a souligné qu’à l’heure actuelle, la seule condition du parti est de s’abstenir de modifier la loi de lèse-majesté.
Dissoudre Move Forward ou pour le moins intimider les hommes politiques semble la stratégie du régime pour envoyer Pheu Thai dans les bras des partis réactionnaires. Reste à savoir si le premier ministre sera Thaivisin (Pheu Thai) ou Prawit (armée). En effet, Prawit ne veut pas diriger un gouvernement minoritaire mais avec le Pheu Thai, un gouvernement Prawit devient majoritaire. Il s’agira à l’évidence d’un coup d’état larvé qui rendra furieuse la population et, à terme, précipitera la fin du régime.
Mercredi à 17h, la cour constitutionnelle a accepté la requête de la commission électorale, c’est à dire qu’elle a bien deux raisons de suspendre Pita et elle peut le faire à tout moment. Dans ces conditions comment l’élection de demain peut-elle avoir lieu ?
