Armement cambodgien saisi par l'armée thaïlandaise
La frontière entre la Thaïlande et le Cambodge est redevenue un foyer de tensions majeures en décembre. Combats, accusations de violations du droit humanitaire, manifestations massives et prises de position politiques s’enchaînent, dessinant un conflit où s’entremêlent enjeux militaires, diplomatiques et symboliques.
Mines et accusations de violations
Ces derniers jours ont vu la reprise par les forces thaïlandaises de zones disputées dans les provinces de Chanthaburi et Trat. Lors des opérations de déminage, la Marine thaïlandaise affirme avoir découvert 16 mines antipersonnel modifiées, posant une menace grave pour civils et soldats. Bangkok accuse Phnom Penh de violer la Convention d’Ottawa de 1997 et les Conventions de Genève, en pointant des documents militaires cambodgiens, supposément trouvés sur place, détaillant une formation systématique à l’usage de ces engins explosifs.
Corps abandonnés et tensions humanitaires
Les affrontements, entamés le 8 décembre, ont déjà fait des victimes des deux côtés. Si les soldats thaïlandais tombés ont été rapatriés et honorés, les corps des soldats cambodgiens récupérés en territoire thaïlandais n’ont pas été repris par Phnom Penh. Résultat : une odeur persistante le long de la frontière, rappelant un épisode similaire en juillet. Les autorités thaïlandaises ont dû stocker temporairement les corps dans des hôpitaux, invoquant les principes humanitaires. Cette information, non confirmée au Cambodge, incite à penser que le bilan militaire est très lourd côté khmer.
La bataille pour la colline 350
Sur le terrain, la colline 350 est devenue le symbole de l’affrontement. Culminant à 350 mètres, elle offre un avantage stratégique décisif. Les troupes thaïlandaises ont détruit le câble d’accès cambodgien et repris les ruines de Ta Kwai, mais les combats se poursuivent autour de cette hauteur et de la colline voisine 225. Des bunkers en béton, construits par les Cambodgiens, compliquent les opérations. Le Premier ministre Anutin Charnvirakul a déclaré que la Thaïlande « doit » sécuriser cette position, tandis que les familles endeuillées réclament le rapatriement rapide des corps.
Ban Sam Lang, point chaud de Trat
Autre zone disputée : Ban Sam Lang, dans la province de Trat. Le 14 décembre, les marines thaïlandais ont pris le contrôle du secteur. Depuis, les forces cambodgiennes tentent de le reprendre, mais se heurtent à l’artillerie et aux mortiers thaïlandais. Les bunkers fortifiés, désormais occupés par les Thaïlandais, renforcent leur défense. Le capitaine Thammanoon Wanna évoque des soldats cambodgiens démoralisés et la présence de mines modifiées encore non neutralisées. La situation s’étant stabilisée, les habitants des districts voisins ont pu regagner leurs foyers. Il semble évident que les soldats cambodgiens ne reprendront pas les territoires perdus. Et pourtant, ils continuent de se battre. Pour rien.
Paix conditionnelle et scepticisme
Le ministre thaïlandais de la Défense, Nattapon Nakpanich, rappelle que « pas de cessez-le-feu sans retrait des troupes cambodgiennes ». Pour lui, les appels à la paix sont vains tant que les forces restent en position. Il insiste : le conflit est une affaire bilatérale, sans besoin d’intervention extérieure.
Mobilisation populaire à Phnom Penh
Malgré ces déclarations, plus de 300 000 personnes ont défilé à Phnom Penh lors de la « Marche pour la Paix », organisée par l’Union des Fédérations de Jeunesse du Cambodge. Moines, étudiants, artistes et familles ont transformé la capitale en un océan de drapeaux et de musique. Les organisateurs ont voulu montrer l’unité nationale et l’attachement au dialogue. Cette mobilisation, bien plus massive que celle de juin, attire l’attention internationale sur un conflit qui s’intensifie depuis début décembre. Cependant, rien ne laisse penser que le Cambodge soit disposé à admettre la perte des quelques mètres carrés, au centre d’un conflit que beaucoup jugent absurde.
Opposition en exil et critiques politiques
Sur le plan politique, l’opposant cambodgien en exil Sam Rainsy a profité de la crise pour appeler à la fin du « pouvoir familial » de Hun Sen. Selon lui, les tensions actuelles ne sont pas un conflit entre peuples, mais un différend personnel impliquant l’ancien Premier ministre cambodgien et son allié thaïlandais Thaksin Shinawatra. Il accuse Hun Sen de protéger des réseaux criminels transfrontaliers, isolant ainsi le Cambodge sur la scène internationale.
Soutien au Premier ministre
À Bangkok, un groupe de citoyens se présentant comme les « Protecteurs du territoire et soutiens de la monarchie » s’est réuni au siège du parti Bhumjaithai pour afficher son soutien au Premier ministre Anutin. Objectif : renforcer la légitimité du gouvernement dans sa gestion de la crise et rappeler l’importance de l’unité nationale. Cette démarche prouve qu’Anutin est bien le candidat choisi par l’armée et les ultraconservateurs dans les élections à venir.
Un conflit aux multiples dimensions
Alors que les combats se poursuivent et que les appels à la paix se multiplient, une certitude demeure : la frontière reste un terrain miné, au sens propre comme au figuré.



