
La Chambre des représentants a élu Anutin Charnvirakul, chef du parti Bhumjaithai, comme 32e Premier ministre de Thaïlande, avec 311 voix pour. Le président de la Chambre doit maintenant solliciter l’aval royal pour officialiser sa nomination. Une fois le décret publié, Anutin formera un gouvernement issu de sa coalition (146 députés), incluant Kla Tham, Palang Pracharath, Ruam Thai Sang Chart et des dissidents de plusieurs partis.
Le cabinet prêtera serment et présentera sa politique générale dans les quinze jours. Selon un accord avec le People’s Party (PP), le Parlement devrait être dissous dans quatre mois, ouvrant la voie à des élections entre avril et mai 2026. Une réforme constitutionnelle est également envisagée, avec ou sans référendum, selon la décision de la Cour constitutionnelle.
Le PP, qui refuse toute participation ministérielle, reste dans l’opposition. Pourtant, son soutien à Anutin, figure conservatrice, provoque une crise interne. Plusieurs députés dénoncent une trahison des principes fondateurs du PP, héritier du Move Forward Party, engagé pour la réforme de la monarchie et la modernisation de l’armée. Natthapong Ruangpanyawut, chef du PP, défend la stratégie du gouvernement minoritaire comme moyen de sortir de l’impasse politique et d’ouvrir la voie à une réforme démocratique.
Critiques et observateurs redoutent qu’Anutin, malgré un mandat annoncé comme temporaire, consolide un pouvoir conservateur durable. Son style de gouvernance est perçu comme marqué par le clientélisme, notamment dans des ministères comme celui de l’Éducation, où l’innovation serait négligée au profit d’intérêts politiques.
Anutin Charnvirakul, dont les origines professionnelles se situent dans le secteur privé, a suivi sa scolarité à Assumption College à Bangkok avant de poursuivre ses études aux États-Unis, au Worcester Academy, puis à l’université Hofstra à New York, où il a obtenu un diplôme en ingénierie industrielle. Il entame sa carrière en 1989 chez Mitsubishi Corporation à New York, avant de revenir en Thaïlande pour évoluer dans les domaines de la finance et de la construction.
Sur le plan politique, Anutin a occupé plusieurs postes ministériels au fil des années, notamment au ministère de la Santé publique et, plus récemment, au ministère de l’Intérieur. Il s’est imposé comme l’un des promoteurs les plus visibles de la légalisation du cannabis dans le pays.
À la tête du parti Bhumjaithai, Anutin incarne une figure centrale, bien que le véritable pouvoir soit souvent attribué à Newin Chidchob, surnommé le « duc de Buriram », fondateur et stratège en coulisses du parti. Le fonctionnement du Bhumjaithai est régulièrement associé à une culture politique opaque, où la défense d’intérêts particuliers semble primer sur les principes de transparence et de réforme.
Enfin, le journaliste Pravit Rojanaphruk ironise sur la passivité supposée d’Anutin, soulignant le risque qu’il serve les intérêts du régime plutôt que ceux de la démocratie.
Pour mémoire, lors des élections de 2023, l’ancien Move Forward Party, devenu aujourd’hui le People’s Party (PP), a recueilli 38 % des suffrages, suivi du Pheu Thai avec 29 %. En comparaison, le parti Bhumjaithai dirigé par Anutin Charnvirakul n’a obtenu que 3 % des voix au scrutin proportionnel, tandis que les partis liés à l’armée ont totalisé 14 %, portant l’ensemble des forces ultraconservatrices à environ 17 %.
Malgré ce score modeste au niveau national, Bhumjaithai a réussi à faire élire 71 députés grâce à une forte implantation locale dans le Nord-Est du pays. Il a récolté 13 % des voix au scrutin de circonscription. Ce contraste souligne le caractère régional et limité de son influence politique.
Globalement, l’électorat thaïlandais manifeste une préférence nette pour les partis de centre gauche (PP) et de centre droit (Pheu Thai), reléguant les formations de droite dure, comme Bhumjaithai, à un rôle marginal dans le paysage politique national.