Destruction d'un important pont au Cambodge par l'armée thaïlandaise
La crise entre la Thaïlande et le Cambodge continue de s’enliser, et Bangkok ne montre aucun signe de vouloir lever le pied. Pour le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul, la ligne est claire : pas de cessez‑le‑feu tant que l’armée thaïlandaise n’aura pas neutralisé une part significative de l’arsenal cambodgien. Une position assumée publiquement, alors que les appels à la retenue se multiplient dans la région.
Depuis le 8 décembre, les combats ont fait au moins 181 morts côté cambodgien, selon les chiffres communiqués par l’armée thaïlandaise, qui revendique également la destruction de 10 chars, 64 drones, un lance‑roquettes BM‑21, plusieurs systèmes anti‑drones, des pièces d’artillerie et plus de dix mille munitions. Côté thaïlandais, le bilan officiel fait état de 15 soldats morts. Les affrontements ont aussi forcé l’évacuation de dizaines, voire de centaines de milliers de civils, de part et d’autre.
Sur le terrain, les opérations se succèdent sans pause. Les F‑16 thaïlandais ont bombardé un pont stratégique au Cambodge, tandis que la marine a lancé une opération spéciale pour couper les routes d’approvisionnement cambodgiennes dans le golfe de Thaïlande. L’armée de terre, elle, affirme avoir repris plusieurs positions clés, même si certaines zones, comme le temple Prasat Kana, restent le théâtre de contre‑attaques cambodgiennes particulièrement violentes. Bangkok assure agir en « légitime défense », dénonçant des tirs répétés de BM‑21 et de mortiers visant des zones civiles thaïlandaises.
Face à cette intensification, Phnom Penh continue de tenir quelques positions minuscules, mais symboliques le long de la frontière. Des points d’appui isolés, parfois réduits à quelques dizaines de mètres carrés, mais qui suffisent à maintenir la pression et à provoquer des échanges de tirs meurtriers. Pour Bangkok, ces positions n’ont aucune valeur stratégique réelle, mais elles prolongent un conflit que la Thaïlande dit vouloir « régler rapidement ». Il s’agit de vieux temples qui sont à l’origine d’un conflit meurtrier et stupide, de l’avis général.
La situation s’est encore compliquée après la découverte, par les forces thaïlandaises, d’un carnet attribué à des soldats cambodgiens détaillant la pose récente de mines antipersonnel. Une révélation explosive, alors que Phnom Penh nie depuis des mois avoir déployé de nouveaux engins. Le document mentionne 30 mines posées en août sur onze sites, ainsi que plusieurs zones prévues pour un nouveau minage. Pour Bangkok, ces éléments confirment que les explosions ayant mutilé plusieurs soldats thaïlandais ne peuvent en aucun cas être qualifiées « d’accidents ». Le gouvernement cambodgien, lui, continue de rejeter ces accusations.
Sur le plan diplomatique, la Malaisie tente de jouer les médiateurs et a déployé une équipe d’observateurs de l’ASEAN, appuyée par des moyens satellitaires américains. Phnom Penh dit soutenir l’initiative. Bangkok, en revanche, reste inflexible : un cessez‑le‑feu n’a de sens que si le Cambodge le propose directement et s’il s’accompagne d’un retrait réel des forces et de leurs capacités de tir. Pour Anutin, « un cessez‑le‑feu doit se voir sur le terrain, pas sur les réseaux sociaux ». Anutin a refusé le cessez-le-feu proposé par Anwar Ibrahim, le Premier ministre malaisien, qui devait entrer en vigueur samedi à 22 h. L’intervention de Donald Trump, vendredi soir, a fait chou blanc et est complètement oubliée.
Pendant ce temps, la situation humanitaire se dégrade. À Poipet, près de 7 000 Thaïlandais restent bloqués après la fermeture des postes-frontières cambodgiens. Bangkok dénonce une violation du droit humanitaire, tandis que Phnom Penh invoque des raisons de sécurité. Les autorités thaïlandaises affirment disposer de plans de contingence si la situation venait à dégénérer.
Entre bilans meurtriers, révélations troublantes et diplomatie au ralenti, la frontière thaïlando‑cambodgienne reste l’un des points les plus explosifs de la région. Et malgré les appels à la désescalade, rien n’indique pour l’instant que les armes vont se taire.
Plus préoccupant encore, le climat d’hostilité qui s’installe entre les populations des deux pays, alimenté par les discours ultranationalistes en ligne, fait craindre une fracture durable. Même si la Thaïlande semble en voie d’imposer ses objectifs militaires, une question demeure : les générations cambodgiennes à venir accepteront‑elles ces pertes territoriales, ou nourriront‑elles un désir de revanche susceptible de rallumer le conflit plus tard ?
