
Dans une très longue analyse, Hubert Testard se penche sur la Thaïlande de 2024. Cette publication d’Asialyst, le média « pointu » qui décortique l’actualité asiatique, mérite la lecture. Hubert Testard a travaillé dans diverses ambassades de France en Asie, à l’OMC et enseigne depuis 8 ans au collège des affaires internationales de Sciences Po.
Nombre de ces conclusions rejoignent celles que nous avons déjà publiées. Cependant, d’autres sont encore plus tranchées et plus fouillées ce qui justifie la lecture du document complet : https://asialyst.com/fr/2024/09/07/thailande-comment-sortir-orniere/
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Extraits qui ne représentent qu’environ 10 % du texte initial.
« L’alliance contre nature entre Thaksin, l’armée et la famille royale vise à maintenir un statu quo politique face à des attentes démocratiques fortes, alors que le pays est confronté à de multiples enjeux économiques, sociaux, géopolitiques et environnementaux. La Thaïlande est la seule nation d’Asie du Sud-Est engluée dans ce que les économistes du développement appellent le « piège du revenu intermédiaire ». »
« Paethongtarn Shinawatra est l’héritière de ce statu quo politique qui prive la jeunesse urbaine thaïlandaise d’une représentation politique. Sa capacité d’autonomie face à son père et aux membres de la junte est clairement mise en doute. »
« L’une des sources du mécontentement populaire est la faible croissance structurelle du pays. La Thaïlande a depuis 2013 une progression moyenne du PIB légèrement inférieure à 2 %. Cette croissance est sensiblement inférieure à la croissance mondiale, qui est de l’ordre de 2,8 % sur cette période. Ce qui veut dire que non seulement le pays a cessé de rattraper les pays riches, mais qu’il régresse lentement alors que les autres pays en développement d’Asie du Sud-Est continuent à progresser. »
« Bangkok et le désert thaïlandais ». « Les monopoles du régime bénéficient à certaines des plus puissantes sociétés privées du pays. (…) Le Premier ministre démissionnaire Srettha Thavisin a probablement été remercié en raison de son incapacité à relancer l’économie du pays. »
Démographie en berne : » Le poids relatif de la Thaïlande dans la population de la région devrait régresser de 10,5 % aujourd’hui à 8,5 % en 2050. Les plus de 65 ans représenteront 29 % de la population du pays en 2050 (contre 16 % actuellement) et leur nombre sera presque trois fois supérieur à celui des enfants de moins de 15 ans. (…) La mobilisation gouvernementale sur le sujet est clairement insuffisante, et Paethongtarn devra démontrer sa capacité à faire mieux, en particulier pour les congés maternité, les crèches, les aides à la petite enfance, la flexibilité du marché du travail pour les femmes et l’accès au logement. »
« La politique d’infrastructures et d’industrialisation s’est jusqu’à présent concentrée sur la capitale et la zone côtière du Sud-Est (…) La Banque Mondiale souligne dans son dernier rapport de juillet 2024 sur la Thaïlande les effets pervers de cette hyper-concentration. Congestion des transports, prix immobiliers et fonciers trop élevés, risques environnementaux croissants, en particulier les températures, nettement plus élevées à Bangkok que dans le reste du pays, sans oublier le risque de submersion progressive de la capitale avec la montée des eaux liée au changement climatique… Bangkok et son agglomération, insiste la Banque Mondiale ont un PIB 29 fois supérieur à celui de Chiangmai. »
« Mais historiquement, Thaksin a davantage mené une politique de redistribution au profit des agriculteurs qu’une politique de développement industriel dans les zones défavorisées. »
« La priorité politique donnée à la lutte contre le changement climatique reste faible, et le pays est désormais largement dépassé par le Vietnam en matière de transition énergétique. Pour une population proche de celle de la France, la Thaïlande émet davantage de gaz à effet de serre (464 millions de tonnes en 2022 contre 430) malgré un PIB nominal situé au sixième du PIB français en 2023 (…) La part du solaire et de l’éolien dans le mix énergétique thaïlandais reste limitée à 4,2 % en 2022 en dépit d’un potentiel jugé considérable. Le principal avantage de la Thaïlande pour réduire le rôle des énergies fossiles est la faible part du charbon dans le mix énergétique, qui simplifie la stratégie de décarbonation du pays par rapport à ses voisins indonésien, vietnamien ou philippin.
« L’OMPI (Organisation mondiale de la propriété Intellectuelle) a développé un index global d’innovation qui donne une vision plus large des capacités d’innovation par pays. La Thaïlande se situe en 2023 à la 43e place mondiale de ce classement, à la 3e place au sein de l’Asean derrière Singapour et la Malaisie, et légèrement devant le Vietnam dont la montée en gamme est rapide. (…) Un rapport récent de l’OCDE souligne par ailleurs le frein à l’innovation que constitue l’existence de monopoles ou d’oligopoles dans bon nombre de secteurs. »